Laurence G.

Libraire passionnée à Epinal depuis 2013.

Les Arènes

28,00
Conseillé par (Au moulin des Lettres)
18 mars 2021

UN ROMAN GRAPHIQUE EMOUVANT ET PLEIN DE BEAUTE

6 ans après l'attentat dans les locaux de Charlie Hebdo, Coco, la dessinatrice qui faisait déjà partie de la rédaction, nous livre un roman graphique bouleversant. Le livre s'ouvre tout d'abord sur des pages stupéfiantes de puissance évocatrice qui montrent des vagues la submergeant tout le temps et à l'improviste, vagues de tristesse infinie, de culpabilité, d'angoisse, métaphores de ce qu'est devenue sa vie depuis 2015. Ces planches introductives sont livrées sans parole et c'est uniquement par le dessin, extrêmement fort et juste, que l'on perçoit la détresse de la dessinatrice.
C'est justement grâce en partie au dessin que Coco a réussi à ne pas sombrer totalement. L'aide d'un psychothérapeute a également contribué à lui permettre de continuer à vivre.
Elle raconte beaucoup de choses dans cet épais roman graphique: la journée du 7 janvier 2015, comment les différents membres survivants se sont retrouvés très vite pour sortir leur numéro hebdomadaire suivant, l'état d'esprit qui régnait à la rédaction à ce moment-là mais elle se remémore aussi les bons moments du passé, la grande gentillesse de Cabu, les blagues qui fusaient, combien elle a appris à leurs côtés alors qu'elle débutait tout juste...
Elle nous fait vivre son quotidien depuis l'attentat et révèle sa volonté farouche de vouloir continuer à dessiner, à faire un travail de journaliste malgré toutes les images qui la hantent.
Tout comme dans "La légèreté" le si beau roman graphique de Catherine Meurisse paru en 2016 aux éditions Dargaud, la mise en page et le cadrage des planches de Coco participent à dévoiler le traumatisme et le lent processus de "guérison" qu'ont entamé ces deux rescapées. Chacune à leur manière, elles réussissent à nous faire partager leur douleur mais également la grande force de vie qui les habitent toutes les deux, " la résistance, la combativité" comme le dit Coco et le pouvoir cathartique du dessin.

Cavale au bout du monde

1

Rue de Sèvres

16,00
Conseillé par (Au moulin des Lettres)
3 mars 2021

Un roman graphique d'aventure à dévorer dès 10-11 ans !

Coup de ❤ de Alice pour un roman graphique à lire dès 10-11 ans:
Les jumeaux Cléopatre et Alexandre sont livrés à eux-mêmes : leur père a disparu, ne leur laissant qu'une boussole et un couteau qui semblent attirer bien des convoitises... Que peuvent bien cacher ces objets, qui pour les deux adolescents n'étaient jusqu'alors qu'un souvenir de leur père sans réelle valeur ? Alex et Cléo vont devoir parcourir le monde pour le découvrir, et ils nous embarquent dans leur grande aventure au travers de cette bande dessinée haute en couleurs !
Venez découvrir Pile ou face, tome 1 : cavale au bout du monde, de Hope Larson et Rebecca Mock 🧭🔪⛵ aux éditions Rue de Sèvres

Dans l'antre de la folie

Nellie Bly

Glénat BD

22,00
Conseillé par (Au moulin des Lettres)
1 mars 2021

Une excellente BD qui fait découvrir une femme exceptionnelle !

Lorsque Mme Cochrane, une fois veuve et sans fortune, dut abandonner sa vie bourgeoise, sa fille aînée Elisabeth Jane, née en 1864 en Pennsylvanie, se fixa deux objectifs dans la vie : ne pas mourir de faim et rédiger des articles qui lui permettraient de vivre de sa plume tout en dénonçant le sort réservé aux femmes et au monde ouvrier (entre autres).
Signant sous le pseudonyme de Nellie Bly, Elisabeth Jane va se faire connaître bien au-delà des frontières de l’État de New York grâce à l’un de ses reportages « en immersion » dont elle a été pionnière. Un article sur l’établissement de sinistre renommée, l’hôpital psychiatrique de Blackwell, lui a été commandé par le directeur du grand quotidien le New York World ; elle va se faire passer pour malade afin d’y être recluse et rédiger ensuite une série d’articles sur la vie des femmes internées . C’est cette enquête incroyable que relate la BD.
Le découpage de la Bd alterne le récit à la première personne du passé douloureux de la jeune journaliste et le récit de son internement qui a duré 10 jours. Nellie Bly va dévoiler tout ce que ces femmes internées devaient subir : infirmières incompétentes et brutales, médecins totalement corrompus, humiliations, repas insuffisants, bains d’eau froide… On découvre avec effroi que beaucoup de ces femmes étaient enfermées par leur propre famille qui s’en débarrassaient ainsi si elles n’arrivaient pas à trouver un mari. D’autres, se réfugiant dans un asile pour les pauvres car sans ressources, finissaient aussi dans cet asile psychiatrique malgré l’absence totale de symptômes. Une fois internées, ces femmes n’avaient pratiquement aucune chance d’en sortir d’autant plus que les mauvais traitements finissaient par avoir effectivement raison de leur santé physique et psychique.
Le récit du calvaire des résidentes de Blackwell suscita énormément de réactions et permit une évolution dans le traitement des patientes.
On retrouve le trait rond et doux de Carole Maurel que j’avais déjà beaucoup apprécié dans la Bd intitulée « Collaboration horizontale » (parue chez Delcourt en 2017). Cette douceur du trait ne masque toutefois pas les tensions dramatiques du récit. Un très beau roman graphique sur une femme exceptionnelle !

19,90
Conseillé par (Au moulin des Lettres)
1 mars 2021

Un premier roman policier qui est un coup de maître !

Pour terreau de ce 1er roman noir, Gwenaël Bulteau a choisi la ville de Lyon en l’an 1898 et nous plonge dès les premières pages dans une enquête criminelle au cours de laquelle la police va devoir fouiller les ruelles du quartier des Canuts -sur la colline de la Croix-Rousse- afin de retrouver le meurtrier d’un garçonnet retrouvé sans tête.
A crime horrible, réponse rapide : le commissaire Soubielle est à la tête d’une brigade judiciaire qu’il vient de créer de toutes pièces pour rénover la procédure des enquêtes policières. Il sait qu’il lui faut résoudre rapidement l’affaire s’il veut que sa brigade soit pérennisée.
Si le crime est bien le moteur de ce roman, il est aussi un prétexte pour nous relater la vie sociale et intime des enquêteurs ainsi que celle des Lyonnais en cette toute fin du XIXème siècle. Le récit est passionnant et nous transporte dans les quartiers ouvriers et miséreux de la ville au moment où la France entière se passionne pour le procès d’Esterhazy à l’origine de l’affaire Dreyfus, procès suivi d’un acquittement d’Esterhazy qui déclenche l’ire de Zola et son tonitruant « J’accuse ».
Les polémiques politiques entre dreyfusards et anti-dreyfusards mais aussi entre syndicalistes et réactionnaires éclatent partout y compris au sein de la brigade de Soubielle. Bulteau décrit tout ce contexte avec beaucoup de force et de réalisme, notamment les violentes manifestations antisémites suite à la parution de l’article de Zola.
Bulteau peuple son roman de multiples personnages secondaires issus de la petite bourgeoisie et du monde ouvrier et s’attache tout particulièrement aux enfants soumis à une violence sociale et familiale terrible.
La plume de l’auteur est sûre et élégante, la langue sans anachronisme et les dialogues succulents.
Un coup d’essai et un coup de maître !

Conseillé par (Au moulin des Lettres)
28 janvier 2021

Un polar sombre comme la nuit !

Coup de ❤ pour le nouveau polar de Hervé Le Corre, "Traverser la nuit", qui vient tout juste de paraître aux Editions Rivages .
Si vous ne reculez pas devant le noir profond, n'hésitez pas à vous emparer de ce roman.
3 personnages vont se croiser, se chercher, s'éviter tout au long de l'histoire. Le commandant Jourdan, au bord de l'épuisement, ne supporte plus les cadavres, a fortiori d'enfants. Son boulot a perdu tout son sens et est en train de le faire sombrer. Sa femme, elle, ne supporte plus qu'à grand' peine cet homme qu'elle a aimé mais qui est devenu peu à peu mutique, s'enfermant dans ces affaires de meurtres sans arriver à en sortir. Il continue malgré tout à faire son boulot du mieux possible et une série de meurtres de prostituées va le lancer lui et son équipe sur la piste d'un tueur bestial.
Le Corre a choisi d'entrecroiser les récits de Jourdan, du meurtrier et d'une jeune femme, Louise, qui, elle, n'a rien à voir avec cette enquête mais qui va rencontrer Jourdan suite à une agression violente. Les femmes sont au centre de ce roman, victimes déjà mortes ou en sursis, battues, violées, humiliées. Quand elles ne sont pas victimes, elles peuvent aussi être du côté de la perversité et de la névrose... La société humaine dépeinte par Le Corre est tout sauf apaisée; elle régurgite sous une forme ou sous une autre, tantôt bourreau, tantôt victime, des sévices et des traumas profonds. Un polar sombre et puissant...