Jean T.

https://lecturesdereves.wordpress.com/

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17,00
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
4 décembre 2017

Encore un roman post-apocalyptique, direz-vous ! Oui, mais celui-ci est tourné vers l'avenir, vers une renaissance avec ses chapitres numérotés de 69 à zéro, puis à un pour le dernier.
Au début, la situation est gravissime. Il y a eu des guerres qui ont décimé la population, un virus qui a rendu stériles les espèces animales, des explosions de centrales nucléaires qui ont vitrifié tout leur alentour, des humains ont dû s'exiler, certains ont gagné les villes et s'y sont emmurés. Les rivières sont polluées. Il n'y a plus d'électricité, plus rien à manger sauf dans les "capsules".
Avril est une jeune fille qui fuit Darius, le meneur d'un groupe violent dont elle a fait partie. Elle fuit avec Kid, un jeune garçon qu'elle protège et veut gagner la Montagne, un endroit où ils devraient retrouver Sirius, un animal. La montagne est un endroit où ils ont connu le bonheur. Ils comptent y retrouver la vie d'avant, le calme, la sérénité.
Le roman de Stéphane Servant nous alerte sur ce qui pourrait être notre avenir si nous n'y prenons garde et continuons de ne pas respecter la nature. Elle a subi la folie ravageuse des hommes et c'est elle qui est mise en avant dans ce roman, ainsi que les animaux qu'Avril et Kid rencontrent, qui les aident à se sortir de situations difficiles et qui les accompagnent vers la Montagne.
Roman d'aventures aux nombreuses péripéties, ce texte est aussi un roman de sagesse comme en témoignent les nombreuses courtes réflexions à portée philosophiques. Il prône l'interdépendance de tout ce qui est sur terre, végétaux et animaux -dont l'homme qui est aussi un animal. Il suggère ainsi que l'homme a beaucoup à apprendre des animaux.
Ce roman poétique et rude, très bien écrit, est destiné aux adolescents et jeunes adultes. Il serait cependant dommage qu'il ne soit pas connu d'un lectorat plus étendu, tant nous avons besoin de prendre la mesure de la réalité de notre humanité !

En attendant la récidive

Vraoum

16,00
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
4 décembre 2017

À 19 ans, Alice a été atteinte par un cancer. Pendant une année, elle a vécu avec son « Jean-Pierre », les examens nombreux, la chimiothérapie, la fatigue. Être malade d’un cancer est une occupation à plein temps qu’elle a bien décrit dans L’Année du crabe ».

Mais Alice a gagné sur son crabe, elle est guérie. Enfin pas tout à fait, car elle craint la récidive, et même plus : elle vit avec la peur d’une récidive.
Comment se réadapter à une vie normale ? À reprendre des études, à chercher un emploi, à ne pas introduire le cancer dans toutes les conversations ? Comment ne plus se vivre comme une personne malade est un défi auquel sont confrontés tous ceux qui ont eu un cancer, qui sont dans la période de rémission ou qui, dix ans plus tard, sont déclarés guéris.

Alice Baguet raconte sa vie d’après avec tout autant de dynamisme et d’auto-dérision que dans le précédent opus. La mise en page et la mise en couleur sont toniques. Si le propos est décalé, plein d’humour, très second degré, il n’en est pas moins informatif sur ce qui se passe dans la tête et dans le corps d’une personne ayant eu un cancer : comment faire face au vide qui se crée dès le début de la période de rémission?
Alice Baguet a fini par couper les ponts avec son « Jean-Pierre », elle est redevenue une jeune femme normale, une auteure de bande dessinée. Pour notre plus grand plaisir -et le sien, bien évidemment !

Alice Ferney

Actes Sud

Conseillé par (Le Pain des Rêves)
24 novembre 2017

Les Bourgeois sont une famille de huit frères et sœurs qui sont nés à Paris entre 1920 et 1940 où ils grandissent. Ils vont occuper des places importantes dans la marine, l'armée, la justice, la médecine, les affaires. Leur vie est en cohérence avec leur milieu et leur niveau professionnel, une situation matérielle qui les met à l'abri du besoin, des logements confortables et situés dans les beaux quartiers, des relations. Ils connaissent une large époque d'évolutions sociales et historiques. Ils sont et fréquentent la bonne société, la bourgeoisie à laquelle ils appartiennent.

Alice Ferney raconte merveilleusement bien la saga de cette vaste famille et le siècle dans lequel elle a vécu. La narratrice s'attache à faire vivre chacun des personnages dans leur époque, que ce soit la crise de 1929, les guerres, le bouleversement de mai 1968, les nouvelles technologies. Elle permet au lecteur de comprendre comment cette élite bourgeoise s'adapte à son époque tout en conservant sa droiture morale, en restant fidèle à ses valeurs, à sa façon de vivre.
J'ai été frappé que ces "héritiers" qui briguent et occupent des postes importants ne le fassent pas pour le pouvoir -même s'ils en ont- ou pour l'argent. Il s'agit pour ce hommes de servir la France, de perpétuer le clan et le monde qui est le leur.
J'ai aussi été frappé par la place de la mort dans ce roman. Les frères et les sœurs de cette famille se marient et les naissances sont nombreuses et joyeusement célébrées. J'ai eu l'impression que les décès étaient plus marquants, plus importants et émouvants.
Même si les personnages sont nombreux, on ne s'égare pas trop dans cette fresque discontinue, grâce à la limpidité et la fluidité de l'écriture très classique d'Alice Ferney. On pourrait admirer ou se moquer de cette famille bourgeoise, l'auteure ne le fait pas, reste à distance et se garde d'émettre le moindre jugement. En décrivant avec précision et justesse, elle nous permet d'éviter les caricatures, de comprendre ce qui meut cette élite, comment dure ces familles.
Une très belle lecture.

Conseillé par (Le Pain des Rêves)
8 novembre 2017

Pierre Adrian est allé à la rencontre de Pierre, un moins prémontré, curé de la vallée d'Aspe depuis cinquante ans. Il vit à Sarrance, dans un prieuré où il accueille, sans juger et sans chercher à convertir, aussi bien les pèlerins en marche vers Compostelle que des êtres à la dérive, des vagabonds détruits par le drogue ou l'alcool, des femmes battues. Sa présence dans la vallée donne une une raison de vivre, rassure par la puissance qu'il puise dans sa foi et dans sa prière, rend possible que se rapprochent de lui, et de son amour, ceux qui ont besoin de reprendre des forces.
Il écoute, rassure réconforte ceux qui viennent à lui. Il leur parle de l'amour de Dieu, de gratuité, leur donne d'espérer, "Quand c’est Dieu, frère, il y a une infinie douceur. Tu ressentiras la paix, le silence. Il n’y aura qu’humilité et don de soi".
Pierre Adrian nous livre un récit qui surprend par sa profondeur quand il évoque, dans une écriture travaillée, inquiète, torturée, la grandeur des paysages, la vie austère et rude, les gens ordinaires, fragiles, pauvres, perdus. Il parle superbement de ces "âmes simples", sans les abaisser, en respectant leur dignité. Il relate avec émotion et précision la messe de Noël où il lui semble que "c’est comme si on avait fait entrer la vallée dans l’église". Il restitue du religieux -qu'il admire, il ne s'en cache pas- le visage d'un homme habité par une foi profonde, d'un homme accueillant, généreux, miséricordieux. D'un grand religieux. Cet homme vit une spiritualité qui lui donne de se dépasser, "la générosité de certains hommes dépasse leur propre volonté. Elle donne une idée du bonheur".
À ceux qui connaissent la vallée, ce livre leur donnera de la regarder autrement. À ceux qui ne la connaissent pas, il donnera goût aux paysages, aux silence, aux sentiers. À tous, il offre la rencontre de cet homme qui parle d'amour et de miséricorde, ce qui est plutôt rare...

19,80
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
1 novembre 2017

Lola Lafon reprend dans cette fiction l’affaire Patricia Hearst. En 1974, à 19 ans, cette jeune fille d’un milliardaire américain est kidnappée par un groupe se réclamant de l’extrême-gauche révolutionnaire. Le groupe demande une rançon originale, des sommes élevées qui seront rendues au peuple sous forme de nourriture. En peu de temps, la jeune fille qui a pourtant imploré ses parents de la délivrer se retourne contre eux et contre la société en épousant les thèses du SLA (Armée de libération symbionnaise). Sont aussi évoquées dans le roman, le cas de deux femmes kidnappées à Deerfield par des tribus indiennes en 1690 et 1753, qui refusèrent d’être libérées.

Patricia Hearst risquant au moins trente-cinq années de prison, les avocats de sa famille ont demandé à Gene Nevena, une professeure réputée se trouvant en résidence en France, dans les Landes, de pratiquer une expertise psychologique qui montrerait qu’elle a subi un lavage de cerveau. Celle-ci charge une jeune fille de 19 ans , Violaine, de collecter de la documentation. La professeure est célèbre dans son établissement pour ses positions affirmées et le plus souvent décalées, et pour l’originalité de sa pédagogie. Elle va chercher à comprendre Patricia Hearst plutôt qu’à argumenter un lavage de cerveau. Violaine, timide, anorexique et sans expérience de la vie, se plonge sans a priori dans un dossier complexe.

La narratrice retrace, en 2015, cette affaire en cherchant à faire entendre ce que dit Patricia Hearst : »j’ai grandi, j’ai changé; j’ai grandi. J’ai pris conscience de pas mal de trucs et ne pourrai jamais retourner à ma vie d’avant« , « Personne ne me force à faire cette bande, au fait. Je crois que vous devriez voir les choses comme je les vois« . Les autres personnages changent aussi. Les lignes bougent. Les jugements évoluent. Peu à peu, les certitudes sont affrontées et confrontées jusqu’à ce qu’on écoute enfin ces filles qui n’ont jamais eu à choisir, à exprimer leur volonté et qui, dans le désordre de l’enlèvement, trouvent une liberté. Lola Lafon décrit les incertitudes de la vie de ces jeunes femmes qui, soudain, se découvrent volontaires, déterminées, courageuses, qui, cherchant à échapper aux transmissions familiales, choisissent librement une identité, le chemin d’une vie risquée (Hearst) ou austère (les femmes de Deerfield).
En changeant de prénom, « Tania a tourné le dos à Patricia » et s’est écartée de la norme sociale, ce que ne comprennent pas ses parents, ses avocats, la police, car « peut-on décréter que quelqu’un n’est pas libre simplement parce que ses choix nous sont étrangers ?« . Ce que Patricia Hearst a fait critique son milieu d’origine. La riche héritière a choisi le parti des pauvres, « Papa, maman, ce n’est pas la SLA qui me fait du mal. C’est le FBI ainsi que votre indifférence aux pauvres.« . Extraite de son milieu par le fait de l’enlèvement, elle ouvre les yeux, voit un autre monde, découvre « avoir désiré mettre un terme à la passivité de [ses] aînés, la nôtre« . Elle décide de vivre dans un monde qui, certes, n’existe pas, un monde réclamé, librement désiré, un monde où le destin n’emprisonne pas.