AVALER DU SABLE trad du portugais

Antonio Xerxenesky

Asphalte

  • Conseillé par
    28 février 2015

    Un superbe roman noir sur la mémoire et l'humain...

    À première vue, le décor planté est celui d'un western spaghetti classique, les codes sont là, les protagonistes, le vent, le sable et les six coups. Sauf qu'il ne faut jamais s'arrêter aux apparences et qu'il y a ici une histoire extraordinairement riche et habile qui fait de ce petit livre -par la taille – un très bon roman sur le temps, la mémoire, le vieillissement et l'identité.

    Autant vous le dire tout de suite, j'ai été totalement séduit par Avaler du sable. La construction est parfaite, émaillée de trouvailles, de ruptures dans la linéarité du récit, comme autant de grains de ce sable importun du désert qui vient gripper les plus merveilleuses mécaniques. Du sable qui s'échappe du sablier, celui qui laisse filer les secondes de nos vies, une à une, inexorablement et qui ne s'écoule que dans un sens.


    Une affaire de vie ET de mort...

    Paradoxalement, ce roman est très moderne. Ne vous bloquez pas sur le pitch, il ne sert qu'à nous mettre dans l'ambiance. Quand nous y sommes confortablement installés, l'auteur, diabolique, efficace, nous sort de nos certitudes et nous précipite dans une toute autre affaire. Une affaire d'identité, de racines et de fuite d'un temps impossible à contenir de nos mains ou de nos neurones. L'idée de base m'a fait penser au film de Cédric Klapisch « Peut-être », des ancêtres et des descendants se mêlant peu à peu dans le même sable créateur et effaceur...

    Des inventions d'écriture, de style, obligent le lecteur à une attention permanente. Rien n'est gratuit ou superflu chez Antônio Xerxenesky mais rien n'y est difficile ou abscons non plus. C'est un superbe conteur et il sait captiver son auditoire par des arythmies, rebondissements ou facéties dans le corps de texte même, rompant le suspense pour mieux plonger le lecteur dans un miroir maléfique où il a peur de se reconnaître.

    « Le grand problème de la vieillesse, c'est le cancer de la mémoire. »

    Des zombies dans un western, une ville au nom à la con, un shérif qui sort de nulle part, la nuit et l'alcool qui, contrairement à l'eau dont on arrose les cours de tennis, fait voler le sable insidieux de Mavark faisant patiner le processus de la pensée. Celui du narrateur mais également celui du lecteur qui ne peut anticiper ce qu'il va découvrir la page suivante, la prochaine étape décidée par un auteur insaisissable comme le vent dans les paysages de l'ouest sauvage.

    Un premier roman noir absolument réussi, Antônio Xerxenesky propose un univers réellement très original et fort, porté par une écriture – et une traduction – impeccable, une totale découverte, un très grand plaisir de lecture.

    La chronique complète et la musique du livre sur Quatre Sans Qautre http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-avaler-du-sable-de-antonio-xerxenesky-1424019205