Gwenaëlle

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Tombée dans les livres dès l'enfance, je suis aujourd'hui toujours passionnée par l'écrit. Ecrivain public, j'aide les autres à mettre en forme leurs idées. Blogueuse, je partage mes coups de cœur littéraires. Maman, je lis des histoires à mes enfants... Vous pouvez me retrouver surSKRIBAN

roman

Le Livre de poche

Conseillé par
17 mai 2010

Un temps fou est d’abord et avant tout une histoire d’amour. La rencontre éternellement recommencée entre un homme et une femme. Maud et Vincent se sont déjà vus une première fois, six ans auparavant. Toute une longue soirée sur un canapé à partager des confidences. Et puis, un grand blanc. Elle n’a jamais pu oublier ce moment et quand, des années plus tard, il l’appelle pour lui proposer une collaboration, elle ne peut pas dire autre chose que « oui ». Oui aux retrouvailles, oui au travail commun, oui à l’amour, qui tel une évidence, surgit entre eux.

J’ai distingué deux parties dans ce livre. La première, que je qualifierais de montée en puissance de cet amour et la seconde qui illustre, comme sur un graphique, par un jeu d’allers et retours entre passé et présent, les creux qui suivent inévitablement l’apogée, symbolisée par l’acte charnel, la consommation de l’amour. L’attente et l’écriture énergique se conjuguent pendant les cent quarante premières pages pour faire croître l’intérêt du lecteur. De beaux passages où le froid de l’hiver se mêle à la chaleur des cœurs qui battent à l’unisson. Curieusement, la narratrice évoque sa mère mais moi, c’est la figure paternelle que j’ai surtout distinguée en filigrane de ce récit. Car c’est d’un amour inconditionnel que rêve Maud et quand elle évoque ce Vincent désiré, on a parfois l’impression d’un nourrisson découvrant dans le brouillard de sa vision la consistance et l’odeur du corps de son père.

On devine chez Maud un vide immense, un manque, une attente insupportable qu’elle ne semble pas savoir combler autrement qu’en se jetant éperdument dans cet amour fou. Mais de l’amour rêvé à l’amour réel, il y a loin et Maud sera forcément déçue.

Néanmoins, en dépit de la blessure infligée, Maud continue à voir de temps en temps Vincent et peu à peu, entre eux, c’est un autre sentiment qui s’épanouit. Une complicité amicale, une entente secrète et précieuse tissée des rêves, des peurs et du temps qui passe.
Il ne vous faudra pas un temps fou pour lire ce roman qui évoque très justement une certaine forme d’amour, un peu bancale, vouée à l’échec, mais qui ressemble parfois à un passage obligé pour mûrir. Comme si la femme ne pouvait être pleinement femme qu’une fois détachée de l’impératif amoureux. Une belle réflexion en forme d’histoire…

Conseillé par
17 mai 2010

J’ai toujours eu un faible pour certains avocats. Et cela est encore plus vrai quand ils sont italiens… Ces considérations toutes personnelles expliquent sans doute pourquoi je lis les aventures de Guido Guerrieri, avocat pénaliste à Bari, depuis le début et avec une joie toujours renouvelée. Les raisons du doute en constituent le troisième volet.
Guido vient d’être abandonné par sa fiancée Margherita quand un homme lui demande de le défendre, dans une scabreuse affaire de drogue. Fabio Ray-Ban n’est pas un inconnu pour Guido. Il s’en souvient même très bien puisqu’il faisait partie d’un groupe de jeunes brutes fascistes qui, un jour, est tombé sur le dos de Guido et d’un ami, les rouant de coups en pleine rue. On comprend dès lors pourquoi Guerrieri hésite. Pourquoi irait-il défendre ce salaud, dans une affaire perdue d’avance? Mais Guido – cœur d’artichaut – change d’avis quand il rencontre Natsu, la femme de Fabio. Italo-nippone à la beauté sublime, elle agit sur lui d’une façon qui ne laisse aucun doute quant à ses intentions… Guido, tout en se maudissant, accepte de prendre l’affaire.
Outre l’écriture fluide qui plonge d’emblée le lecteur au cœur de l’histoire et lui donne envie de ne plus lâcher le livre, l’atout majeur de ce roman réside surtout dans le personnage de Guido. Profondément humain, désabusé par moments mais capable aussi de céder aux plus fous espoirs, l’avocat crée par Gianrico Carofiglio pourrait être notre ami. Celui avec qui on boit un petit café, rapidement, sur le zinc le matin, avant de se souhaiter une bonne journée ou qu’on invite à partager un plateau de fruits de mer dans une petite trattoria surplombant la plage. Passionné par son métier, éternel amoureux d’un amour qui n’est pas pour lui, aimant la bonne chère et les nourritures spirituelles, amical et facilement ému, il est aussi celui qui fait des vœux en couleurs et calme le chagrin d’une petite fille au cœur de la nuit.
Amateur ou non de polars, c’est avec grand plaisir que chacun peut lire cette histoire captivante sans être trop technique, où la violence est tenue à distance par la chaleur humaine et l’humour du personnage.

Conseillé par
17 mai 2010

Il se passe des choses étranges dans le village de Slobozia. Entre ce village pauvre de Moldavie et la forêt qui l’entoure, vont et viennent d’inquiétantes créatures. Et chacun sait qu’il ne faut pas s’approcher de la Fosse aux Lions, un lieu maudit, un lac aux pouvoirs maléfiques. Sauf Victor, qui lui, se sent étrangement apaisé, voire compris par cette vaste étendue d’eau, tantôt sombre comme la nuit, tantôt emplie d’une lumière magique.
Récit qui prend parfois des allures de conte, dans la Roumanie des années 1960-1990, Terre des Affranchis évoque, avec brio, la vie de quelques personnages, dans ce village intemporel, où la politique se mêle de religion et où la superstition fait force de loi.
Sur cette terre pauvre, chaque mère n’a pas d’autre choix que d’élever ses enfants avec courage et abnégation. Ana Luca est de celles-là qui, après avoir supporté la violence de son mari, doit prendre en main le destin de Victor et Eugenia, ses enfants. Ils vivent tous les trois dans une petite maison, à l’écart du village. Brutal et innocent à la fois, Victor est parfois sujet à des pulsions qui lui font commettre l’irréparable… Pétri de religion, pourtant, il ne demande qu’à se racheter. Y parviendra-t-il? Sa mère et sa sœur sauront-elles l’aider? Et ces cahiers qu’il remplit sans relâche, le mèneront-ils sur la voie de la rédemption?
Liliana Lazar, dont c’est ici le premier roman, réussit le tour de force d’écrire dans une langue qui n’est pas la sienne, le français, un roman qui se lit d’une traite. Elle dresse le portrait d’une société, qui faute de pouvoir penser librement, en est réduite à se conformer aux désirs des puissants. Et à s’en remettre au hasard et aux caprices divins pour son salut…

roman

Arléa

13,50
Conseillé par
17 mai 2010

Une tache sur la bras qui a la forme de Manhattan. Un diagnostic sans espoir. Cela suffit pour que la narratrice prenne ses clefs, son chien, quelques affaires et quitte définitivement sa vie, son mari, ses enfants et tout ce qu’elle avait construit.

D’abord tentée par une destination exotique, elle finit par se réfugier dans un meublé sans âme pour régler ses comptes. Là voilà donc qui utilise ses dernières forces pour écrire à sa mère. Car elle a un secret à lui confier, un secret en forme de vengeance. Par indifférence ou laxisme – voire par perversité? – cette dernière a, en effet, confié jadis sa petite fille à une femme qu’elle ne connaissait pas. L’enfant a subi un traumatisme qui a hypothéqué sa vie, dont elle n’a jamais pu se défaire, la conduisant à se construire ce que les psychologues appellent un « faux-self », sorte de masque derrière lequel elle se réfugie pour donner aux autres l’impression d’une normalité, quand, en réalité, elle se sent absolument et irrémédiablement vide et inexistante.
Je suis sortie avec un avis mitigé de cette lecture. L’histoire est poignante parce que les évènements vécus par cette femme sont cataclysmiques. Qui pourrait ne pas compatir à ses malheurs? Mais serions-nous aussi touchés par le style d’Anne Révah si le personnage traversait des épisodes moins dramatiques? Et puis cette réaction excessive, si elle peut se comprendre dans un premier temps, paraît néanmoins très étrange une fois le livre refermé. Pourquoi l’héroïne n’a-t-elle rien fait avant? Les moyens de surmonter les blessures de l’enfance existent… Quant à son attitude vis à vis de ses propres enfants et même de son mari, elle n’a rien à envier à l’attitude de sa mère… Fausse, totalement indifférente aux effets son départ, persuadés qu’ils s’en sortiront quoi qu’il arrive. Mais alors pourquoi tant d’apathie de son côté? La résilience pour ses enfants mais pas pour elle?
Au total, j’ai trouvé qu’il y avait trop de pathos dans cette histoire. A peine quatre-vingt dix pages et trois drames bien lourds! On ne voit plus que ça dans le récit et cela déséquilibre l’ensemble. Le cœur de l’histoire est ébauché en quelques paragraphes à peine et j’ai eu l’impression d’une incomplétude. Comme si tout n’avait pas été dit, comme s’il demeurait encore quelque chose de caché sous les mots. Comme si l’auteur n’avait pas été au bout de sa réflexion…

Conseillé par
14 mai 2010

Ce troisième opus de Larry Beinhart, traduit en français, est la photo, prise sur le vif de l'Amérique blanche post-Bush. Une Amérique chrétienne, bien-pensante, dont la croisade contre les "islamo-fascistes" n'est qu'un paravent destiné à masquer son appétit toujours plus grand pour l'argent.

Dans une petite ville du sud-ouest des Etats-Unis, Carl Vanderveer est un privé qui travaille souvent pour le compte de son ami Manny, avocat riche et renommé. Carl est un ex-flic. C'est aussi un ex-alcoolique repenti, qui a trouvé sa voie le jour où il a croisé celle de Paul Plowright, prêcheur charismatique à l'origine de la communauté de la Cathédrale du Troisième Millénaire. Jouant de ses contacts dans la police et de ses accointances dans la communauté religieuse, Carl est connu pour mener à bien les missions qu'on lui confie. Dans le système judiciaire américain, les avocats de la défense peuvent, en effet, rechercher preuves et témoins et ils font souvent appel, pour cela, à des détectives privés bien entraînés et disposant de moyens conséquents. Néanmoins, quand Manny demande à Carl de l'aider pour défendre un jeune américain d'origine iranienne, inculpé pour le meurtre d'un universitaire athée, celui-ci hésite. Il sait que ses recherches vont l'opposer à sa communauté évangélique et à sa femme... Pris entre deux feux, il se résout néanmoins à aider son vieil ami. C'est le début de réactions en chaîne qui vont amener Carl à voir son environnement d'un autre œil...

Dans ce livre, l'intrigue n'est pas le souci premier de l'auteur. Relativement simple, elle a même un petit goût de déjà-vu... Non, ce qui intéresse Larry Beinhart ici, c'est de nous montrer cette Amérique traumatisée par le 11 septembre, qui cherche des coupables, n'importe lesquels du moment qu'ils soient musulmans. Une Amérique qui a cessé de penser pour se réfugier derrière les enseignements de la Bible, pour se bercer d'illusions en écoutant la parole de prêcheurs fanatiques. Le tableau qu'il dresse de ces Américains blancs transformés en croisés, pour la "bonne cause" - c'est à dire la défense de leur pays, de leur famille et de leur travail -, est à la fois stupéfiant et inquiétant. Toute réflexion, toute pensée sont bannies. La seule solution : la guerre. Une guerre intransigeante, intraitable, en dehors même de toute légalité car Satan est partout et les voies de Dieu sont impénétrables. Mais derrière cette manipulation des esprits, on devine aussi en filigrane, la silhouette de ceux qui restent avides d'argent et de pouvoir. Car au-dessus de Dieu, il y a toujours le billet vert qui dicte sa loi... la seule qui compte.