Le printemps des corbeaux

Maurice Gouiran

Jigal

  • Conseillé par
    26 octobre 2016

    Maurice Gouiran abandonne son héros récurrent Clovis Narigou pour nous narrer cette histoire d'arnaque et de gangsters sur fond d'élections présidentielle attendue et crainte. Le gros coup de Louka nous amènera également à la guerre 39/45 et à Marseille. On se promènera donc entre ces deux périodes, les actes commis dans l'une ayant des conséquences dans l'autre, mais je n'en dirai rien de plus, pour ne pas déflorer le suspense. Comme toujours, Maurice Gouiran est bien documenté et installe son histoire dans celle du vingtième siècle. Il faut bien se rappeler, qu'en 1981, R. Reagan est président des États-Unis, M. Thatcher, premier ministre anglaise, des libéraux pur jus, durs -M. Thatcher laissera mourir en prison des militants irlandais, le plus emblématique, Boby Sands meurt le 5 mai 1981. En France, Mitterrand est aux portes de l'Élysée, les communistes à celle du gouvernement et les bolcheviks à celles de l'est parisien. Que les plus jeunes d'entre vous ne rient pas, en 1981, certains -les riches, ceux qui avaient du pognon à perdre- pensaient réellement que les Russes allaient entrer dans Paris. D'ailleurs, Reagan et Thatcher ont demandé à Mitterrand de ne pas nommer de ministres communistes...

    L'ambiance est morose donc chez les bourgeois. Personnellement, j'avais 15 ans et je me souviens encore de la tête de certains copains au lendemain de l'élection (ben oui, j'étais à l'école privée et entouré de gens friqués, moi qui venais de la cité HLM). A Marseille, Louka fréquente une jeune femme issue de cette catégorie sociale qu'il exècre et dont il veut profiter. La grande force du polar de Maurice Gouiran est de mêler des personnes réelles avec ses personnages et d'en faire un roman au rythme soutenu. Pas un seul moment de relâchement, de détente, on tremble pour Louka en se demandant s'il sera assez fort pour tenir tête à tous ceux qu'il a contre lui. On sourira à l'occasion, notamment lorsque Louka révèlera son pseudonyme pour monter sa première arnaque.

    Maurice Gouiran aime sa ville, Marseille, mais pas au point d'oublier tout ce qui s'y est passé. pas au point de faire l'impasse sur les comportements de ses habitants pendant la guerre, ni sur ceux de la pègre locale acoquinée aux grandes familles et aux politiciens. Il ne dit pas qu'ailleurs ce n'était pas la même chose, mais sans doute à Marseille, tout est exacerbé. En tous les cas, amoureux de Marseille ou pas, il faut lire les romans de Maurice Gouiran, toujours excellents et intelligents qui au pire rappellent l'histoire de notre pays et au mieux nous l'apprennent de la manière la plus agréable qui soit, la lecture de polars.