Les Hommes sans Épaules n°43 : Lionel RAY ou le poème pour condition
EAN13
9782912093493
ISBN
978-2-912093-49-3
Éditeur
SANS EPAULES
Date de publication
Nombre de pages
318
Dimensions
20,5 x 13 x 2,2 cm
Poids
360 g
Langue
français

Les Hommes sans Épaules n°43 : Lionel RAY ou le poème pour condition

Sans Epaules

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LE POÈME POUR CONDITION, Une approche de Lionel RAY

(Extrait)

Au début des années 70, à la fois pour tirer un trait sur une œuvre antérieure, qu’il juge convenue et empreinte de poétisme, et pour marquer comme une mutation de la personne dans son rapport au « faire », Robert Lorho s’invente un nouveau nom. Les quelques années qui suivent la « crise » de mai 1968 voient en effet celui qui se fait nommer désormais Lionel Ray adopter, comme quelques autres (Michel Deguy, Jean Ristat, Denis Roche, Jacques Roubaud, Jude Stefan…), une forme de dissidence par rapport aux conventions de l’ordre littéraire établi. S’ouvre alors, pour lui comme pour eux, la période d’une intense « déconstruction » ; celle aussi d’un totalitarisme linguistique où le poème aura bientôt peine à trouver sa respiration. Mais, trop vrai poète, l’homme auquel nous avons affaire pouvait-il se démettre longtemps de sa liberté ? Devait-il se figer définitivement dans les postures et les partis pris des livres qu’il publia alors : Les métamorphoses du biographe (Gallimard, 1971), Lettre ouverte à Aragon sur le bon usage de la réalité (Les Éditeurs Français Réunis, 1971), L’Interdit est mon opéra (Gallimard, 1973) ?

En réalité, il va très vite entamer une nouvelle métamorphose à la fin de cette même décennie 70 ; et c’est donc plutôt là, semble-t-il, qu’il convient de situer l’événement fondateur d’une figure du poète, parmi les plus exemplaires de notre temps. Lionel Ray en dresse lui-même l’acte de naissance dans la prose liminaire, « En marge du poème », de son livre Partout ici même (Gallimard, 1978) :

« Alors j’ai décidé, faisant table rase de mes fausses terreurs comme de tout terrorisme linguistico-théorique, de saisir la coïncidence la plus exacte possible entre écrire et vivre, et comme l’un de l’autre se fortifie, d’interroger cette rencontre de l’événement, du regard et du poème. » Et, pour assumer ce penchant qu’il se reconnaît à se transformer (« me voici autre. Autrement autre »), il se métaphorise lui-même fleuve héraclitéen : « Je suis le changement, la mobilité, non une eau fixe : je suis ce que je deviens. »

Car c’est bien une poésie en constant devenir dont, au cours des années, nous recevrons l’offrande multiple des signes. Peut-être même le mouvement, le mouvant, l’équilibre instable, la base incertaine en sont-ils la marque essentielle. Tout cela, sous la seigneurie et le fouet du Temps, partenaire inévitable dans la partie d’illusion et de vérité que joue le poète avec sa vie et toute sa mémoire : ce jeu qui, non sans un goût troublant pour le silence et l’ombre, l’erreur même et ce qui la surmonte dans la hantise d’une identité fuyante, nous entraîne aux miroirs du moi et de l’autre, aux vertiges de la mort, aux abîmes du vide et du Rien...

Paul FARELLIER

(Revue Les Hommes sans Epaules n°43, 2017).
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