Réparations
Emile Coué n'est plus, mais sa méthode perdure discrètement, intuitivement. A travers ce roman délicat et personnel, Etienne Kern mesure et précise la fragilité de nos destinées humaines, les tâtonnements, la candeur un peu émerveillée d'Emile Coué face à ses premiers succès de l'autosuggestion et du bien-être plausiblement acquis. C'est aussi pour lui un pas de côté et un souffle de liberté octroyés dans cette société austère et rigide où l'on persiffle et perçoit que le charlatanisme imprègne ses arguments. Il est devenu sans le vouloir celui qui soigne, qui répare, qui écoute, qui apaise, internationalement reconnu malgré ses périodes de doutes et ses atermoiements. C'est le portrait singulier et sensible que dresse Etienne Kern de cet homme aujourd'hui abandonné dans l'oubli et les replis du temps.
Ténacité et dévouement
La géniale couverture du livre, toute en inventions et en méandres est à l'image de ce roman, parfait miroir de lumières, de phases d'ombres, de paradoxes et de ténacité illustrant la vie discrète et secrète d' Anna Freud. Dernière fille du célèbre psychanalyste, Anna Freud n' a eu de cesse de perpétuer la pensée et les théories de son père vouant sa propre vie à la psychanalyse et la protection infantile dans une forme d'abnégation individuelle et volontaire et de dévouement rare. Le roman est généreux, saisissant, parfois bouleversant de silences et de colères rentrés.
Grands maîtres
Quelle belle idée romanesque d'associer deux étudiants de l'Ecole des beaux-arts de Paris pour mener une enquête peu ordinaire dans un lieu insolite, isolé du monde et totalement enneigé: Auguste Renoir et Oscar-Claude Monet! Tous les ingrédients sont réunis autour d'une intrigue à huis clos parfaitement bien campée, des personnages aussi savoureux qu'ambivalents et deux jeunes peintres désargentés s'improvisant enquêteurs hors pair afin de ne pas être accusés des assassinats commis en ce troublant séjour de Noël. Ils sont artistes, inconnus, étrangers à cette société de l'entre-soi, simplement chargés de dresser les portraits de cette assemblée privilégiée, autrement dit des boucs-émissaires parfaits. Mais fins observateurs, les détails sont dans leurs yeux et au bout de leurs pinceaux! Vivement la prochaine enquête!
Réservation immédiate!
Ce roman nous transporte dans un monde que nous pensions connaître en tant qu'usager et qui nous est finalement totalement inconnu et étranger. On pensait tout savoir à l'idée simple de monter dans un train, sans trop se poser de questions et on se rend compte (avec bonheur) que l'on ne sait rien et qu'il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton confortablement assis dans une cabine pour engager un train sur les rails. "Mécano" révèle au contraire l'inconfort du métier, les difficultés, les connaissances et le savoir technique incroyables à assimiler, la fatigue tenace et persistante comme un second corps à porter. La fatigue en tête-à-tête accompagne le mécano le temps d'un voyage, d'un trajet, partenaire de sa solitude tandis que les voyageurs somnolent en toute sérénité. Sous la plume sublime, juste et malicieuse de Mattia Filice, le mécano est un homme à part entière, il fait corps avec la machine, profondément seul malgré les centaines de passagers derrière lui, avec à portée de main les indispensables outils pour toute réparation d'urgence. En tension, à l'affût de la moindre anomalie, le cerveau exercé à tout détecter, le mécano conduit aussi le lecteur dans un récit haletant, cocasse, tragique, absurde, émouvant, au cœur des luttes sociales et internes. Au rythme du train, les mots sont ajustés et se dévoilent, dans une narration sensible, singulière, profonde et sincère. Foncez et ne ratez surtout pas ce premier roman!
Asservissements modernes
Ce roman social et familial révèle de façon percutante le fonctionnement interne du fastfood le plus connu au monde, lieu de rêves, attractif pour certains, détesté par d'autres, perçu et éprouvé comme une machine à broyer, parfaitement huilée, sans humanité, excessivement hiérarchisée. Loin d'engager un portrait à charge, la narratrice met en parallèle sa propre situation professionnelle précaire, toute jeune embauchée sur le marché du travail et celle de son père, ouvrier épuisé par des années de labeur et d'endurance physique sans avoir même atteint l'âge de la retraite. C'est un monde de tensions, de convoitises et de concurrence permanentes qu'elle met en exergue, un monde rigide où tout est contrôlé et rien n'est explicité simplement, volontairement. En apparence la façade est proprette, le tutoiement est de rigueur, la rudesse est excessive, silencieuse. Ce texte a une force littéraire incroyable et dévoile un talent narratif exceptionnel.