Manuel H.

18,50
Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
2 août 2019

Jeux, enjeux

L'auteur nous entraîne au pas de course dans la tête et les jambes d'un coureur de fonds éthiopien, futur vainqueur du marathon des Jeux Olympiques de Rome en 1960. Un récit intérieur qui suit le rythme de la course, évoque son déroulement et son parcours dans la ville éternelle, le mano à mano entre les deux hommes de tête, la tactique à mener pour vaincre. Au-delà de la course, le récit à la prose agréablement travaillée et joliment ciselée évoque les enjeux historiques, politiques et symboliques que revêt cet événement entre l'Ethiopie et l'Italie, l'Afrique et l'Europe en période de décolonisation, l'homme noir et l'homme blanc mais aussi les aspects plus personnels de l'athlète, sa mère, sa jeune épouse et son entraîneur qui poussent le coureur aux pieds nus à ainsi se surpasser.

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
2 août 2019

Vivre au crépuscule

Ce roman déploie un point de vue inattendu et singulier sur la seconde guerre mondiale. Il se place en Autriche dans ce grand royaume des ombres qu'est le IIIe Reich. Veit, le personnage central du roman est un jeune soldat de 24 ans qui après avoir été blessé sur le front russe est en convalescence. Il se met en retrait de la guerre dans une petite bourgade, entre lac, montagne et vie rurale. De fin 1943 à fin 1944, c'est le tournant, le temps du recul, le temps de la défaite qui s'annonce. Veit pressentant cette fin n'a d'obsession que de ne pas retourner sur le front À l'abri des combats mais pas de la menace qui gronde au loin, la vie s'écoule malgré tout et l'amour survient, fragile et incertain lui aussi. Alors que les personnages évoluent dans un paysage magnifique de montagne, l'ambiance crépusculaire de défaite, de menace permanente et de bombardements assombrit les esprits, le tout sous le regard désabusé, acide, critique et hostile que porte Veit sur le régime nazi. Arno Geiger offre une qualité narrative et stylistique d'une tenue remarquable. L'épaisseur de la construction, la profondeur des propos, l'incarnation des personnages, leurs sentiments, leur relation, leur complexité engage le lecteur comme un alpiniste sur une face nord, en avançant lentement mais sûrement sans jamais décrocher de la paroi : tout la qualité narrative invite à atteindre le sommet romanesque. Et au passage, sans dévoiler plus avant, on y rencontrera une logeuse acariâtre, un jardinier brésilien, une jeune fille se volatilisera sans explication et un meurtre sera commis !

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
27 juillet 2019

Rebond

On a plaisir à lire ce nouveau roman d'Olivier Adam dont la narration fluide se met au service d'une structure romanesque qui se tend peu à peu. On y retrouve Paul Lerner, double romanesque de l'auteur, personnage tout autant romancier et sur le déclin, moqué par la critique puis délaissé et oublié, devant quitter Montmartre pour se réinstaller en Bretagne, entre Cancale et St-Malo, devenant journaliste local pour vivoter. On apprécie au travers de nombreuses péripéties familiales et professionnelles ce personnage de l'entre-deux : entre deux âges du quarantenaire, entre deux situations du romancier devenu apprenti journaliste, entre deux moments d'un couple qui vacille, entre deux du fils qu'il est encore et du père de deux adolescents qu'il est devenu. Le romancier porte un regard sur lui-même plein d'interrogations et d'humour au sujet de ses ambiguïtés, de ses incohérences, de sa sensibilité à fleur de peau mais aussi de sa légitimité à parler des milieux populaires alors qu'il vivait dans un entre soi de bobo. Bref, il est ici question de famille, de couple, de liens familiaux, de paternité mais aussi de migrants, de racisme, de corruption locale, de politique et de liberté. Autant de fils thématiques et narratifs parfaitement tressés dans une solide trame romanesque aux nombreux rebondissements.

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
27 juillet 2019

Ordre, désordre

Une ambiance narrative affirmée et un univers romanesque fortement marqué et de fait, se démarquant. Le récit à la deuxième personne du pluriel joue de l'ambiguïté entre la politesse du vouvoiement et la multiplicité probable d'une organisation secrète. L''usage du futur laisse planer comme une injonction et comme un inéluctable avenir qui fait avancer le récit selon une procédure à suivre, portant une étrange menace.
La gouvernante est chargée de déstabiliser, de mettre à mal, de perturber, de démolir même l'ordre d'une famille sinon bourgeoise des classes sociales supérieures dominantes qui participent et profitent de l'ordre politique et social existants. Ce protocole de déstabilisation familiale s'insère dans celui plus vaste de tentative déstabilisation et de renversement de l'ordre d'une société entière, comme une insurrection préparée par une organisation secrète.
C'est une belle mécanique narrative, formidablement huilée, construite comme un exercice de style, qui porte évidement un sens politique fort sous son humour, son ironie et son ton parfois sarcastique On peut aussi y reconnaître le portrait archétypale d'une classe dirigeante dont les travers individuels et collectifs sont dénoncés et moqués.

Flammarion

22,00
Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
27 juillet 2019

Déplacer le regard

L'auteure tire le récit de ses deux ans d'expérience comme prostituée dans une maison close berlinoise. Elle dresse le portrait des lieux, des pièces de cette maison et celui de ses « soeurs » prostituées qu'elle côtoie et des hommes qui la fréquente, décrivant ainsi de nombreuses scènes sexuelles dans un langage cru, explicite, sans hypocrisie ni vulgarité, certaines scènes pouvant choquer. Si la narratrice se fait parfois polémiste, c'est avant tout et surtout le regard qu'elle porte sur les lieux et les autres qui fait la richesse de la narration. C'est un texte sur le désir et la sexualité qui tire bien des fils, interroge, provoque également, loin des idées préconçues et toutes faites que l'on pourrait avoir sur ces sujets. Lire « La Maison »  c'est probablement déplacer son regard sur la question de la prostitution.