Jean T.

https://lecturesdereves.wordpress.com/

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20,90
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
1 décembre 2023

Une jeune femme plutôt naïve, Évie Perraud, est remarquée par Pierre Manan qui l'embauche pour être la doublure de Clara, son épouse, alias Calypso Montant. L'artiste est une peintre qui se rattache au genre du romantisme noir auquel se rattachent, Goya, Franz von Stuck et surtout John Collier dont le tableau "Lilith" fascinera Évie. Clara est une femme complexe. Artiste, elle veut vivre de sa peinture sans se montrer au public.

Elle demande à Évie d'être sa doublure et d'habiter dans leur maison. Très vite, Évie acquiert la culture et les façons d'être de Calypso, à un tel point que personne ne devine la tromperie. Quand Évie est le sosie de Calypso, elle peut se permettre des choses qui lui sont interdites lorsque Calypso redevient Clara. Le jeu devient pervers, surtout quand Pierre Manan prend le parti d'Évie. Quand elle brave un des interdits, elle est rejetée par l'artiste. Sa vengeance sera terrible...
Ce roman diffère des précédents par sa noirceur, la fascination des personnages pour le morbide, l'emprise sexuelle perverse, la drogue, l'alcool. À la lecture, j'ai souvent ressenti un malaise face à ce trop-plein de noirceur et de manipulations. Dommage parce que les histoires du Lilith de John Collier, Le Vol des sorcières de Goya ou Saturne dévorant un de ses fils, les références à Paul Delaroche, Trois femmes et trois loups du suisse Eugène Samuel Grasset et autres artistes et écrivains présentent un intérêt certain et auraient mérité un traitement moins glauque.
Le problème de ce roman déroutant, c'est que Mélissa Da Costa écrit bien...

Éditions Gallmeister

21,30
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
30 novembre 2023

Alice O Farrell avait voulu surveiller son petit frère Jason, mais il lui a échappé et est mort d'une horrible façon. Ne supportant plus la vie à la maison, elle fugue. On la retrouve cinq ans plus tard, à vingt-et-un ans, errant dans des bars mal famés, s'alcoolisant pour oublier "l'accident". Elle a accepté un emploi de barmaid pour gagner un peu d'argent dans un bar de stripteaseuses. Un matin, elle se réveille avec une terrible gueule de bois, nue dans le lit de son patron qu'elle découvre mort d'une overdose. Elle tangue encore et ne se rappelle rien de sa soirée. Dans la chambre, elle trouve ses vêtements et un sac en toile rempli de dollars et de drogues. Elle met un peu trop de temps à s'enfuir, échappant de peu aux deux malabars cherchent Terry, son patron, qui leur doit de l'argent, beaucoup d'argent.

Partie en pick-up, elle prend le train. Elle n'avait pas prévu qu'elle prendrait la défense de Bubble Gum, une petite jeune fille que poursuivait un homme peu délicat.
Ni que deux types, un Homme-Enfant et complice, voudraient récupérer son magot. Elle décide de gagner Wilmington, en Caroline du Nord où elle avait été recueillie chez Elton, un dératiseur, chez qui elle avait passé un moment heureux. Elton l'accueille à nouveau, ainsi que Bubble Gum. Commence une période de calme, sous la protection d'Elton qui distille quelques conseils à une Alice devenue plus raisonnable et totalement sobre.
Mais pendant ce temps, l'Homme-Enfant la piste, se rapproche, la trouvera, c'est certain….
Ce roman est noir, mais pas totalement, on le verra à la toute dernière page. L'écriture de Samuel W. Gailey est dépressive, noire. Il le faut puisque même les personnages "gentils", qui sont attachants, ont commis quelques méfaits. L'histoire est cruelle et les moments de violence ne manquent pas. La fin est inattendue.
Mélangeant 2005 et 2011, ce roman est habilement construit et ménage un suspense constant. Parfois, l'histoire s'emballe, les malfrats trouvent un peu trop vite des indices, Alice se remet de son addiction à l'alcool et devient un peu rapidement "jeune adulte raisonnable" guidée par une morale personnelle positive.
Mais après tout, ces petits défauts ne gâchent pas la lecture de ce thriller ténébreux où on n'a pas de temps à perdre...

21,50
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
6 novembre 2023

Alba est une personne rare, elle est linguiste à l’université de Reykjavík en Islande et parle "la langue nationale la plus faiblement diffusée" des pays membres des Nations unies. Elle nous apprend que les Islandais ont le privilège de former leurs propres néologismes plutôt que d'adapter les mots des langues majoritaires, mais, se demande-t-elle, faut-il continuer d'enseigner "une langue où comprendre quelqu’un et divorcer s’expriment en recourant au même verbe – skilja" ? Alaba se déplace énormément, ce qui l'amène à décider de se retirer du monde dans un terrain avec maison qu'elle acquiert pour planter des arbres – 5600 - dans la terre volcanique et sableuse de son île peu boisée, afin de compenser son empreinte carbone.

Audur Ava Ólafsdóttir aborde beaucoup de petits sujets semblant sans importance. Elle emménage dans une maison trop petite pour qu'elle y installe sa bibliothèque, une maison qui a été la propriété d'une autrice de romans policiers qu'elle connaît pour avoir été sa correctrice. Alors, elle dépose ses dictionnaires et ses grammaires islandaises, ses ouvrages pointus dans le magasin de la Croix Rouge, suscitant un intérêt inattendu chez les clients. Dans cette île lointaine menacée par le réchauffement climatique, la pollution de la mer, le tourisme, elle plante des bouleaux et d'autres arbres, imaginant ce que sera son domaine bien des années plus tard. Elle se fait aider par Danyel, un jeune réfugié qui veut apprendre l'islandais, qu'elle décide de protéger afin qu'il s'intègre et qui devient "Mon adolescent".
Cette linguiste passionnée de langues fragiles, qui a avec les mots une relation forte réoriente sa vie, se découvre de nouveaux intérêts. Tout comme les islandais qui l'accostent pour lui parler de mots ou de la langue, une passion qu'elle ne soupçonnait pas d'exister, " Gerdur, employée à la banque, m’a fait part de ses inquiétudes à propos du déclin du subjonctif dans la langue parlée".
Sans s'en rendre trop compte, on lit l'histoire d'une femme qui change brusquement de vie dans une Islande qu'elle considère comme un "Éden", un paradis perdu qui se déglingue, qui pourrait elle-même se perdre, et qui s'installe, se découvre une autre vie possible, noue des relations, qui plante des arbres et des légumes dans son jardin, qui s'accorde à la nature, nous rappelant ainsi que rien n'est sans doute perdu. Cette histoire se déroule tout en douceur, comme si l'évolution était naturelle, comme s'il n'y avait d'autre horizon que l'espoir, "Tout ira bien".
Audur Ava Ólafsdóttir nous enchante avec ce roman à l'écriture belle et inventive. Elle possède le talent de s'intéresser à des choses graves sans qu'il n'y paraisse, avec légèreté et finesse. Outre qu'elle nous signale que le monde est à protéger, son attention à la valeur des mots nous indique de ne pas oublier la poésie, d'en parler avec des mots choisis, pour éviter que disparaisse notre Éden.

Aux forges de Vulcain

21,00
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
4 novembre 2023

Dans une France qui a sombré dans le chaos, l'économie est effondrée, les pénuries alimentaires et l'élévation des températures rend les villes inhabitables. Des milices en ont pris le contrôle. Deux familles font route vers le Sud. À Lyon, un des deux couples disparaît dans une violente échauffourée, abandonnant leur fille, Calme. Andrew et Lucie continuent leur route avec Élie et Calme qu'ils adoptent, vers Massat, un bourg de fond de vallée en Ariège.

Ils sont accueillis par Saule et sa milice qui filtrent les entrées dans le village et veillent à l'application d'un bon nombre de règles qui obligent la population à une vie solidaire sans épuiser les ressources. Ils peuvent s'installer sur un terrain dont Calme possède un titre de propriété, dans les ruines d'une maison. Élie rejoint un groupe de jeunes qui protègent Massat sous la direction autoritaire de Saule, obtenant en échange de l'aide des villageois. Calme, toujours éprouvée par la perte de ses parents, s'isole et passe son temps dans la forêt qui lui fournit de quoi alimenter la famille. Calme parle aux arbres et a une relation particulière avec la forêt, "Je marche dans la forêt, et je l’écoute respirer. Elle me parle, me dit quoi prendre pour ma famille". Au fur et à mesure que Calme s'intègre à la nature, elle s'éloigne des humains et du village.
La vie en autarcie du village n'est possible que parce que l'échange est une obligation, que le village se mure, refusant d'accueillir ceux qui fuient les villes, qu'il recourt s'il le faut à la violence armée, que les ressources sont totalement partagées. Élie comprend ces règles tout en les critiquant. Surtout que Calme ne fréquente plus les gens du village et ne prend plus part à la vie économique.
Mais quand des fuyards envahissent le village, l'aide de Calme s'avérera décisive…
Ce roman post-apocalyptique et dystopique met bien en valeur l'importance de conserver un lien avec la nature pour survivre à un effondrement technologique et alimentaire. Il montre aussi que la vie en autarcie nécessite un total respect des règles de vie, qui peut mener à un système dictatorial. Ce qu'il décrit des comportements humains est réaliste
L'évolution de Calme qui devient une sylve fait basculer le roman vers l'irrationnel ou le fantastique, qui tranche avec la dureté de la vie des habitants du village.
Narré principalement par Élie, ce roman bien écrit donne une vision vraisemblable de la vie dans un fond de vallée pyrénéenne et de l'avenir possible de nos sociétés extractivistes et technologiques. J'ai aimé l'atmosphère, les descriptions de la forêt et de la montagne, même si elles sont trop peu nombreuses, les personnages et leur évolution.
Un bon premier roman.

19,50
Conseillé par (Le Pain des Rêves)
3 novembre 2023

Le roman met en scène plusieurs personnages dont Léo, le trader qui vit à New-York, Emma, commissaire de police vivant à Paris et Justine, réfléxologue qui habite à Londres. Ce sont les Trois, selon ce qu'on disaient d'eux lors de leur scolarité à Saint-Brieuc, trois personnes fortement liés, qui se retrouvaient près de la mer, dans une "maison bleue". Chacun a mené sa vie et trimballe ses problèmes ou soucis, comme Lo et ses cauchemars, Emma et son inquiétude pour la jeune Emma qui vient de déposer plainte , Justine dont la compagne vient de la quitter. Ils n'entretiennent guère que d'épisodiques relations plombées par le souvenir d'un "drame" qui s'est produit vint ans plus tôt et qui a fait exploser leur amitié.
Mais le père de Léo et Justine, proche de sa fin, veut revoir ses enfants ainsi qu'Emma qu'il a toujours considéré comme faisant partie de la famille. Une lettre qu'il remet à Léo, des souvenirs qui remontent dans leurs mémoires, des secrets qui sont révélés vont permettre aux Trois de retrouver le lien qui les unissait.

C'est une histoire de vies depuis l'adolescence énervée jusqu'à la maturité de l'âge adulte, avec des amitiés, des amours, des regrets, des failles, des non-dits, des confrontations, des désirs. Les personnages prennent la parole dans de courts chapitres pour narrer les mêmes événements, donnant du relief et un réel dynamisme au récit. Les descriptions du littoral breton sont belles et poétiques, proches de la réalité des lieux.
L'autrice a une jolie écriture, fluide, qui montre correctement l'évolution des personnages.
Je n'ai pas été immédiatement accroché par ce roman, goûtant peu les cauchemars de Léo. Il est pourtant addictif dans l'ensemble, peut-être du fait de la délicatesse de son écriture, de la positivité du récit et de la vraisemblance des personnages et des situations vécues.
Un bon moment de lecture.