Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Fauve d’Or (prix du meilleur album)

Ça et là

24,00
Conseillé par
13 février 2023

Précisions liminaires : Martin Panchaud est suisse et cet album est paru d'abord en langue allemande en 2020 avant de trouver un éditeur français. Il vient d'obtenir au salon de la bande dessinée d’Angoulême, le Fauve d'or, prix du meilleur album.

Scénario original et drôlement bien mené, entre un jeune qui gagne une grosse somme, des harceleurs pas très futés, un père en fuite, une mère en mauvaise posture, une aide bienvenue d'un détective et des flics partout à la recherche de certains individus de ce beau monde. Plus une baleine bleue qui semble l'intrus totalement déconnecté de l'histoire, mais qui, comme le souligne l'auteur, aura son rôle, éminemment important. Tout cela pour une histoire que l'on suit avec avidité tout au long des 220 pages.

Mais ce qui fait et fera parler et qui retient avant tout et après coup, l'attention, c'est le graphisme. Ici, point de personnages dessinés, ce sont tous des points : par exemple, sur la couverture, il y a Simon en marron et d'autres qui tournent autour de lui. Tout est légendé, et après quelques secondes pour s'habituer, on ne se perd pas. Les environnements sont très carrés, vus du dessus, comme par exemple la course de chevaux, le champ de courses, mais aussi les maisons, les voitures... comme des plans d'architecte. Et puis encore plein d'inventions sur la playlist radio du voyage en voiture, sur la baleine bleue, l'impact des coups reçus au foie...

Qui n'aime que la BD franco-belge sera perdu et détestera sans doute, argumentant que ce n'est pas de la BD (je l'ai déjà lu je ne sais plus sur quel site). Qui aime se faire bousculer, changer ses habitudes de lecture, découvrir, s'ouvrir à toute forme d'expression pourra être décontenancé au départ et prendra un plaisir fou aux aventures de Simon. J'ai adoré cet album original, difficilement classable puisqu'il emprunte au drame, à la comédie, au polar. Bref, un album complet qui en outre, s'orne d'un très belle couverture. Il ne lui manque rien !

Conseillé par
13 février 2023

C'est un roman qui débute comme une farce, une comédie avec un anti-héros dont on sent bien qu'il va lui arriver des aventures pas banales, ce qui ne l'est pas puisque lui-même l'est, banal, passe-partout, commun, quelconque, insipide... Le ton est léger, comme par exemple lorsque Jean Pratou veut demander un conseil à un collègue : "Je grimpe sur ma chaise pour voir ce qu'il fait de son côté du mur, si par hasard des lettres traînent sur sa table. Je le surprends la main dans le pantalon, un air visqueux aux lèvres, concentré sur les activités acrobatiques de deux blondes qui se déploient sur son ordinateur. Je baisse la tête vivement avant qu'il ne me surprenne. Je m'en voudrais vraiment de condamner ses choix esthétiques." (p.26) Ce qui rend ce passage drôle, c'est le langage soutenu pour décrire un événement trivial. Jean Pratou fonctionne comme cela, il n'a pas les codes de la vie en société, il vit seul, ne fréquente que son chat à trois pattes, Robert et Sehtou, le préposé au courrier d'avant Josette.

Et puis, Dorine Hollier, doucement, change de ton. Elle parle de la société de consommation, tant pour les biens que pour les services ou la culture si tant est que l'on puisse citer ce mot pour parler de certaines chaînes de télé. Le constat et la critique sont sévères et justes, comme cet animateur télé aux dents blanchies : "Mes chéris, mes amours, public adoré, merci d'être toujours fidèles à "l'émission qui dit tout" ! [...] Un tonnerre d'applaudissements m'assourdit de nouveau. Les gens sont debout, en révérence, ils hurlent mon nom, les bras tendus vers leur gourou..." (p.162/163). Ce besoin d'un homme à révérer, d'une idole n'est finalement pas si loin de la religion, d'une croyance aveugle en une entité ou en une personne... Brrr, ça me fait froid dans le dos.

"Pouf pouf, Dieu me tripote" comme disait Pierre Desproges, revenons à ce roman qui devient quasiment une tragédie dans son final, un peu longuet, mais toujours de bonne tenue. J'ai beaucoup aimé, c'est assez rare de passer de la comédie au tragique en 300 pages avec autant de plaisir de lecture. Dorine Hollier a su créer un personnage insignifiant, certes, mais très attachant, et qui paradoxalement, fait partie de ceux que l'on n'oublie pas facilement.

Conseillé par
13 février 2023

Emily est à New York, à une longueur de son objectif de vengeance. Jusqu'ici elle a pu éliminer tous ceux qui ont agressé sa mère. Il ne lui reste plus qu'un homme à entendre avant de l'éliminer. Et pas des moindres, puisque accompagnée de ses amies Susan, Vicky, Margret Mona et Lisa, elle se dirige vers Washington, vers William McKinley, le Président des États-Unis.

L'assurance d'Emily avait déjà vacillé un peu lors de ses précédentes rencontres avec notamment celle de Stanley Whitman. Elle avait alors appris que sa mère était encore en vie. Mais elle veut toujours comprendre les raisons de toute cette histoire qu'on lui raconte depuis des années.

Le mystère se lèvera donc sur cet ultime tome et Laurent Astier conclut sa série sur le même rythme qu'elle a débuté. Toujours très mouvementée, aventureuse, avec une héroïne particulièrement attachante autant dans ses débordements que lorsqu'elle semble baisser les bras, accablée, fatiguée.

J'ai chroniqué les 4 tomes précédents (Déluge de feu, Lame de fond, Entrailles, Ciel d'éther) et je ne peux que me répéter : cette série est excellente et originale : dessiner une femme, héroïne au temps du Far West, n'est pas très courant. Les hommes ne sont pas très glorieux, chacun cachant ou tentant de le faire, ses petites ou grosses bassesses pour ne pas dire plus.

Bref, maintenant que la série est finie, on peut la reprendre du début à la fin, histoire de tout bien se remettre en tête, et ce ne sont que purs moments de plaisirs.

Casterman

18,00
Conseillé par
13 février 2023

A priori, je ne suis pas amateur de science fiction... A priori, seulement, puisque j'ai bien aimé Kosmograd. Il y a d'abord un dessin que j'aime bien avec des changements de couleurs en fonction des moments de la journée, des lieux, avec dans l'ensemble, des couleurs vives, pas forcément au goût du moment -tant mieux- puisque ce sont davantage les tons sombres et neutres qui dominent notre quotidien. J'aime bien aussi l'alternance de cases de différentes dimensions, avec notamment celle de la page 55, où l'on voit Zoya et Paouk descendre un escalier du haut en bas, en continuant leur conversation, tout cela en une seule grande case.

Ensuite, les trois filles sont sympathiques, vives ; elles sautent d'aventures en mésaventures, de rebondissements en surprises... Bref, tout cela est fort bien mené et dynamique. Si le thème général n'est pas neuf, le ton employé par Bonaventure, moderne, coloré, vif avec de jeunes héroïnes le dynamise et le rend particulièrement attachant et attrayant.

Aucun doute que cet album satisfera les jeunes ados et pré et les plus grands itou qui fréquentent ma bibliothèque.

Albin Michel

17,90
Conseillé par
13 février 2023

Un face à face tendu. Elsa, une femme d'un âge certain, au passé révolutionnaire qui l'a contrainte à une longue cavale. Anton, homme plus jeune qui tente de comprendre Elsa, qui la traque même sans doute depuis des années.

Si vous entrez comme moi dans un roman sans rien en lire en amont, vous risquez d'être un peu désappointé par les premières phrases de celui-ci, ne comprenant pas où l'autrice veut nous mener ni même de quoi elle parle. Mais tenez bon, car il suffit de se laisser faire et bientôt, il est difficile de lâcher le livre. Claire Delannoy ne donne que peu d'explications -sauf à la toute fin, histoire de ne laisser personne sur le bord du chemin-, c'est le lecteur qui fait le lien entre ce que racontent Elsa et Anton et leurs attitudes. J'aime bien ce procédé. De courts chapitres, vus par Elsa. Un récit court, ramassé qui pourtant ne laisse rien de côté. Exit les longues théories, les discours oiseux, la logorrhéé. Claire Delannoy écrit un roman dépouillé et dense, épuré. Un face à face vital pour Anton et Elsa, inévitable. De ceux qui sont soit salvateurs soit emmènent vers la fin.

C'est fort bien écrit, très agréable à lire. L'autrice pousse ses personnages aux confidences, Elsa se livre comme jamais, fait le point sur une vie de cavale : les gens croisés, aimés, lâchés... idem pour les idées... C'est surtout elle qui parle, mais Anton a beaucoup à dire également, par les gestes, les attitudes. Et le lecteur a du travail de lien, d'imagination, un peu comme l'un de ces exercices que l'on croise parfois : il manque des lettres dans un mot, mais on le lit et le comprend aisément, et parfois même il faut relire plusieurs fois pour s'apercevoir que quelques lettres sont absentes parce que le cerveau a comblé les vides ou remis en ordre les lettres, de lui-même.

Ce roman débute ainsi : "J'ai toujours ressenti une détresse et une jubilation que je devais dissimuler sous l'apparence du détachement ou de la bêtise, lui dit-elle en détachant les mots, depuis ma toute petite enfance j'ai cru à ça, porter le masque de l'indifférence pour dissimuler la différence, faire comme si. C'était un écart constant, c'est devenu ma cotte de mailles et ma fatalité." (p.7)