Les lumières du Shabbat, Contes et récits, contes et récits
EAN13
9782013213639
ISBN
978-2-01-321363-9
Éditeur
Le Livre de poche jeunesse
Date de publication
Collection
Livre de Poche Jeunesse (604)
Dimensions
17 cm
Poids
149 g
Langue
français

Les lumières du Shabbat, Contes et récits

contes et récits

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Illustrations de

Le Livre de poche jeunesse

Livre de Poche Jeunesse

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Le noyau de datte?>Massée autour du gibet, la foule fit silence lorsque l'on amena le condamné. Le jeune homme avait quoi ? vingt ans à peine, et marchait la tête haute.Arrivé devant le roi, il s'arrêta, s'inclina un instant, puis fixa le souverain droit dans les yeux.« Vous avez ordonné, dit-il, que soit pendu le voleur que je suis. Puisque telle est votre volonté, je vais donc quitter ce monde aujourd'hui même... »Le roi se sentit mal à l'aise. Il ne regrettait pas sa décision. Non. Il y avait autre chose. Le regard du voleur était difficile à soutenir.« Ce châtiment, je ne le refuse pas. D'ailleurs, je n'en ai pas la possibilité. Pourtant, je ne voudrais pas me balancer au bout de cette corde qui est là-bas sans avoir dévoilé un secret.— Un secret ! Quel secret ? Tu cherches à gagner du temps mais tu n'échapperas pas au sort qui t'est promis. L'exécuteur est prêt. Va. Il s'impatiente. »Le voleur s'inclina, fit un pas en direction du gibet.« Attends ! dit le monarque. Attends ! Ce secret...— Accordez-moi une heure, une seule petite heure et...— Ah ! tu vois bien que tu cherches à retarder le moment fatal !— Majesté ! J'ai fait une merveilleuse découverte. Il serait navrant que mon souverain ne profite pas du fruit de mes recherches. Mais, je n'insiste pas davantage.— Ah ! tu en as trop dit ou pas assez. Parle !— Voilà. Je puis changer en peu de temps un sol nu en une terre couverte d'arbres fruitiers...— Baisse le ton, murmura le souverain. Je ne veux pas que la foule entende. Comment fais-tu ?— Je prends des pépins, des noyaux de fruits, je les laisse macérer dans des tisanes d'herbes et de fleurs durant trois quarts d'heure. Les pépins et les noyaux sont alors prêts à être plantés. Un quart d'heure plus tard, sortent de terre des arbres magnifiques, lourds de leurs fruits. Évidemment, comme je n'ai que deux bras, je ne puis préparer qu'un arbre à la fois. Mais, à raison d'une seule heure pour un pommier ou un cerisier, on peut constituer, après dix journées de travail, un verger d'importance...— Cette expérience peut-elle être réalisée devant moi ?— A vos ordres, Majesté. »Le roi frappa dans ses mains.« Que l'on éloigne tous ces curieux et que les soldats de ma garde se tiennent à bonne distance. Je ne veux à mes côtés que le vice-roi et le grand argentier. »Fut apportée du jardin du souverain une datte. Furent amenées du parc royal les herbes et les fleurs demandées par le voleur.Après trois quarts d'heure de préparation, le jeune homme se releva, le noyau à la main.« Eh bien ! s'écria le roi, qu'attends-tu ? Tout n'est-il pas prêt ?— Tout est prêt, Majesté. Dans un quart d'heure, comme prévu, ce noyau sera changé en un superbe dattier.— Quoi ! Mets-le donc en terre !— C'est que... C'est que je ne le puis, Majesté. Ou, plus exactement, je ne le puis plus. Mes mains ont volé. Elles sont impures. Pour que l'entreprise réussisse, il faut que celui qui plantera ce noyau soit irréprochable et que, dans sa vie d'adolescent puis d'adulte, il n'ait commis aucun larcin. »Le souverain soupira, se tourna vers le vice-roi, lui demanda de mettre le noyau en terre. L'homme baissa la tête.« Je ne puis contribuer davantage à ce que sorte de ce sol un dattier, Majesté. Il y a de cela bien longtemps, à la fin de mon adolescence, mon père, fort occupé par ses affaires, me demanda de bien vouloir tenir le budget familial. Je notais les recettes et les dépenses, et, ma foi, en falsifiant ces dernières, en les augmentant, je ne manquai pas de réaliser de petits bénéfices. Mes mains ne sont pas blanches. »Se tournant vers le grand argentier, le roi lui ordonna de mettre le noyau en terre. L'homme avait l'air gêné. Il s'éclaircit la voix avant de parler :« La fonction que j'exerce est lourde. Il n'est pas aisé de gérer les finances d'un si vaste royaume. Qui est sûr de ne jamais commettre d'erreurs ?... Maintenant que j'y songe, il est possible que je n'aie pas examiné avec assez de minutie les comptes que mes collaborateurs me présentaient. Si des malversations ont été commises, j'en suis en partie responsable. Aussi, au détriment de certains des sujets de ce pays, peut-être ai-je affecté au Trésor royal des sommes qui n'auraient pas dû l'être. Mes mains, hélas ! ne sont pas sans taches... »Le jeune homme se tourna vers le roi.« Le temps presse, Majesté. Dans quelques instants, il sera trop tard. La préparation n'agira plus. Je vous en conjure : mettez vous-même ce noyau en terre... »Le souverain hésita, prit le noyau, leva les yeux vers le gibet, puis regarda autour de lui. La foule avait été dispersée, les gardes se tenaient à bonne distance, l'exécuteur ne pouvait entendre. Alors, après avoir demandé au vice-roi et au grand argentier de s'éloigner quelque peu, le roi rendit le noyau au voleur. Puis parla :« Ce noyau me brûle les doigts, tu entends ? Écoute !« Mon père avait l'habitude de porter une bague à laquelle il tenait beaucoup. Un jour que nous étions à table, je vis que l'annulaire de sa main droite était nu. A la fin du repas, je courus jusqu'à ses appartements. J'entrai dans sa chambre et découvris le bijou sur la table de chevet. Insensé que j'étais ! Je saisis cette bague qui me faisait tant envie et la mis dans ma poche. C'est dans le parc, où j'étais allé pour retrouver mon calme, que je pris conscience de la stupidité de mon geste. J'avais un bijou que je ne pouvais porter. Je courus pour remettre la bague à sa place mais, arrivé sur le perron, j'entendis des éclats de voix. Mon père accusait un serviteur nouvellement arrivé d'avoir dérobé le bijou. Et, comme le domestique protestait de son innocence, mon père ordonna qu'on le renvoie après qu'on lui aurait appliqué cinquante coups de fouet.« Je ne puis planter ce noyau. Comprends-tu ? Il ne sortirait rien de terre.— Et la bague ? » demanda le voleur.Le souverain présenta sa main droite.« La voici. Je la porte en souvenir de mon père qui est mort il y a longtemps. Parfois, elle me serre si fort le doigt que j'ai l'impression qu'elle va me broyer la phalange. Mais je ne peux m'en séparer.— Majesté, dit le voleur, le vice-roi a avoué que ses mains n'étaient pas blanches et le grand argentier a expliqué pourquoi il ne pouvait planter ce noyau que vous m'avez rendu. Ordonnerez-vous qu'on les pende ? Et, puisqu'un souverain se doit de donner l'exemple, décréterez-vous la peine capitale pour Votre Auguste Personne ? »Le souverain se taisait. Le jeune homme poursuivit :« Moi qui ai été contraint de voler parce que mes frères et mes sœurs avaient faim, vais-je subir seul le supplice de la pendaison ? Est-ce juste ? »Le roi le regarda et plissa les yeux.« Il y a une heure à peine, tu marchais vers le gibet. Il ne te restait plus que quelques instants à vivre. Tu as joué ton va-tout, et ton intelligence t'a permis de renverser la situation. Car je ne puis faire autrement que de te gracier. Oui, te voilà libre. »Le jeune homme s'inclina, remercia le souverain. Il allait s'éloigner quand le roi posa la question qui lui brûlait les lèvres :« Dis-moi ! Le noyau de datte... L'arbre magnifique qui devait sortir de terre, lourd de fruits... ?— Tout à l'heure, Majesté, avant que je ne passe devant vous, j'étais un homme mort. Et puis, vous fixant droit dans les yeux, j'ai vu le fond de votre âme et j'ai entr'aperçu, oui, comme l'ombre d'un remords, l'indice d'une blessure secrète. Votre honte courait, telle une infime lézarde sur un mur. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'ai conçu un stratagème...— Et si le vice-roi ou le grand argentier avait accepté de planter le noyau ?— Après avoir attendu un quart d'heure, j'aurais affirmé que le vice-roi ou le grand argentier avait menti puisque le dattier n'était pas sorti de terre.— Tiens donc ! Et tu penses que je t'aurais cru ?— Oui, Majesté.— Comment cela ?— Lorsqu'on a honte de soi, que l'on se sent coupable, le reste du monde ne nous paraît plus tout à fait innocent. Et il y avait cette faute que vous aviez commise... »Le souverain hocha la tête. Oui, le jeune homme était intelligent, et alliait habileté et imagination, sang-froid et perspicacité.« Dis-moi...— Je vous écoute, Majesté.— Dis-moi... Accepterais-tu de faire partie de mes consei...
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