Les pièges de la discrimination, Tous acteurs, tous victimes
EAN13
9782841878024
ISBN
978-2-84187-802-4
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Archipsy
Nombre de pages
242
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Code dewey
320

Les pièges de la discrimination

Tous acteurs, tous victimes

De

Archipel

Archipsy

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Un livre présenté par Roseline Davido.

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eISBN 978-2-8098-1288-6

Copyright © L'Archipel, 2006.

Avant-propos

Discriminer, c'est mal !... mais là n'est pas la question

Il y a quelques semaines, dans la file d'attente d'un-supermarché : je suis derrière un couple dans la cinquantaine qui discute en portugais. Devant eux, une jeune femme africaine se dispute violemment avec la caissière à propos de l'affichage d'un prix. Scène tout à fait banale jusqu'à ce que la dame portugaise se tourne vers son mari pour lui dire, en français mais avec un très fort accent : « Elle est belle, la France ! »

Une anecdote qui montre que nul ne peut prétendre être épargné par la discrimination ou ne jamais en être soi-même l'acteur.

La discrimination, concept moderne s'il en est, est aujourd'hui dans toutes les bouches et mise à toutes les sauces. Les juristes, les politiques et les journalistes surfent sur ce terme comme on le ferait avec un nouveau produit high tech. La plupart du temps, le mot « discrimination » est associé au mot « victime ». On s'intéresse au vécu de la discrimination et on s'insurge contre ce nouveau fléau, comme s'il devait être rangé sur l'étagère des injustices, à côté des tsunamis ou du car-jacking. Outre les immigrés, les femmes, les chômeurs, les gens du voyage ou les handicapés, on découvre que les seniors, les enfants surdoués ou les obèses peuvent eux aussi en être les victimes. Et on se conduit comme si une épidémie était en train de se répandre dans le corps sain de la société française jusqu'ici épargnée par ce phénomène.

Mais on a oublié. On a oublié que les femmes françaises ont obtenu le droit de vote en 1945, avec trente ans de retard sur toutes les démocraties européennes. On a oublié que l'homosexualité n'est plus considérée comme une déviance que depuis vingt ans, après des mois de navette entre le Sénat et l'Assemblée nationale qui a fini par voter en quatrième lecture une loi sur sa dépénalisation, en juillet 1982. On a oublié que, le 17 octobre 1961, des dizaines d'Algériens ont été jetés à la Seine par les pouvoirs publics parce qu'ils manifestaient pour leurs droits, comme on a oublié les préjugés que la société véhicule sur les minorités ethniques au rythme de leurs vagues de migration vers le territoire français depuis le début du XXe siècle. Dans les clichés les plus répandus, qu'ils soient italiens, polonais, nord-africains, maliens ou roumains, les immigrés sont toujours « sales, voleurs et fainéants ». Tous différents mais tous les mêmes !

Aujourd'hui il semble qu'on ne puisse plus oublier. Grâce au travail réalisé depuis des années par des associations de lutte contre les discriminations et par des équipes de recherche vouées à la même cause, on a enfin décidé de réagir. Même si cet engouement est bien tardif, il ne faut pas rater le train et veiller à ce qu'il ne se trompe pas de destination.

Puis, étape ultime, on élabore des lois, on met au point un dispositif juridique qui permet de lutter contre les discriminations et de punir ceux qui sont à l'origine d'actes discriminatoires. Des amendes sont prévues pour des injures racistes ou des actes d'incitation à la haine raciale, des mesures sont prises pour imposer des quotas hommes/femmes aux partis politiques, des procès sont en cours grâce à des témoignages toujours plus nombreux et des opérations de testing sont lancées dans les démarches de recrutement ou à l'entrée des discothèques. On s'insurge et on lutte.

Le propos de ce livre n'est pas de planter un couteau de plus dans le dos de la discrimination. Même si la question de l'efficacité et de l'intérêt de toutes ces mesures est posée, même si l'on réfléchit à d'autres moyens de lutter contre la discrimination, il s'agit davantage de comprendre pourquoi et comment on discrimine. L'option choisie consiste à poser un autre éclairage sur cette question en se positionnant non plus du côté de la victime mais du côté de celui qui discrimine. C'est lui qui nous préoccupe car c'est dans l'analyse de ses automatismes, de ses motivations et intérêts que nous pourrons trouver une explication scientifique à la logique de la discrimination.

Seront d'abord évoqués les éléments de nos représentations et croyances qui prédisposent aux actes de discrimination. Comment se construisent nos stéréotypes ? D'où viennent-ils ? Comment s'expriment-ils et comment se transmettent-ils ? Sommes-nous toujours conscients de leur manifestation et pouvons-nous nous défaire de leur emprise ?

Seront ensuite analysés les actes de discrimination, en mettant l'accent sur leur aspect « nécessaire ». Sans chercher à provoquer, nous tenterons de démontrer que l'acte de discrimination répond à une nécessité tant psychologique que sociale. Discriminer, c'est se rassurer en rendant le monde social facile à comprendre et à prédire, mais c'est aussi affirmer son identité et son appartenance à une structure sociale qui nous valorise. Cela ne signifie pas que le discriminateur doit être excusé mais que son attitude répond à des besoins contre lesquels il est parfois difficile de lutter et qu'il faut prendre en considération si on veut les combattre.

Enfin, on montrera que la question des moyens de lutter contre les discriminations doit être abordée du point de vue politique, social – quelles solutions nos dirigeants peuvent-ils apporter et comment comprendre les débats actuels, parfois virulents, autour de ces dispositifs – et psychologique – comment apprendre à se mettre dans des conditions qui limitent les risques d'apparition d'actes discriminatoires.

En somme, l'ambition de cet ouvrage est de présenter, simplement, le phénomène de la discrimination afin que chacun comprenne les facteurs qui menacent nos comportements quotidiens et n'épargnent personne. Des exemples de la vie quotidienne seront « décodés » grâce aux travaux et théories disponibles en psychologie sociale. Notre ambition est de présenter des recherches majeures en leur restant fidèle.

Chaque être humain est potentiellement à la fois « discriminateur » et victime de discrimination, mais il existe des moyens de comprendre et de limiter la portée de ce fléau. Que ce livre provoque l'étonnement ou l'indignation, qu'il propose quelques enseignements et ouvre des pistes de réflexion.

I

QUE LES CHOSES SOIENT CLAIRES !

Travail délicat s'il en est, un ouvrage portant sur la discrimination ne peut pas faire l'économie de quelques définitions. Ce premier chapitre a pour objectif de clarifier quelques notions centrales pour la bonne compréhension de notre propos : la catégorisation sociale, les stéréotypes, les préjugés et la discrimination. Souvent confondus et mal utilisés, ces concepts issus de la psychologie sociale ont des définitions assez différentes de celles qu'on leur donne dans le langage quotidien.

La catégorisation sociale et les stéréotypes

Dans un livre publié en 1996, Vincent Yzerbyt et Georges Schadron1 proposent une boutade sur l'Europe pour illustrer la mécanique des stéréotypes : au paradis européen, les Français seraient les cuisiniers, les Italiens joueraient le rôle des amants, les Anglais feraient la police, les Allemands se chargeraient de travailler et tout ce petit monde serait organisé par les Suisses.

A contrario, l'enfer européen serait une société dans laquelle les Anglais seraient les cuisiniers, les Suisses seraient les amants, les Allemands seraient les policiers, les Français les travailleurs et le tout serait organisé par les Italiens. Si cet enfer prête à rire, c'est précisément parce que nous avons tous à peu près les mêmes croyances sur les différents groupes qui composent l'Europe. Celles-ci prennent la forme de caractéristiques physiques (grand, blond, mince...) et surtout de traits de personnalité (intelligent, introverti, sensible...) qui définissent les membres d'un groupe : ce sont des stéréotypes.

Du grec stereos qui signifie solide et typ...
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