Hollywood, la norme et la marge
EAN13
9782200341763
ISBN
978-2-200-34176-3
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
DD.CINEMA
Nombre de pages
315
Dimensions
21 x 15 x 2,2 cm
Poids
445 g
Langue
français
Code dewey
791.43

Hollywood, la norme et la marge

De

Armand Colin

Dd.Cinema

Indisponible
© Armand Colin, 2005, pour la présente impression.

9782200273644 – 1re publication

Avec le soutien du

www.centrenationaldulivre.frDans la même collection :

Vincent Amiel,Esthétique du montage.

Jacques Aumont,L'Image.

Jacques Aumont, Les Théories des cinéastes.

Jacques Aumont, Alain Bergala, Michel Marie, Marc Vernet,Esthétique du film.

Jacques Aumont, Michel Marie,L'Analyse des films.

Jacques Aumont, Michel Marie,Dictionnaire théorique et critique du cinéma.

Pierre Beylot,Le Récit audiovisuel.

Noël Burch, Geneviève Sellier,La Drôle de guerre des sexes du cinéma français (1930-1956).

Francesco Casetti,Les Théories du cinéma depuis 1945.

Dominique Chateau, Cinéma et philosophie.

Michel Chion, L'Audio-vision. Image et son au cinéma.

Michel Chion, Le Son.

Laurent Creton, Économie du cinéma. Perspectives stratégiques.

Jean-Pierre Esquenazi,Godard et la société française des années 1960.

Guy Gauthier, Le Documentaire, un autre cinéma.

Guy Gauthier, Un Siècle de documentaire français.

Martine Joly, L'Image et les signes. Approche sémiologique de l'image fixe.

Martine Joly, L'Image et son interprétation.

François Jost, André Gaudreault,Le Récit cinématographique.

Laurent Jullier, L'Analyse de séquences.

Laurent Jullier, Star Wars. Anatomie d'une saga.

Raphaëlle Moine, Les Genres du cinéma.

Fabrice Montebello, Le Cinéma en France.

Yannick Mouren, le Flash-Back.

Jacqueline Nacache, L'Acteur de cinéma.

Patrice Pavis,L'Analyse des spectacles.

Vincent Pinel, Le Vocabulaire technique du cinéma.

René Prédal, Le Jeune cinéma français.

François Soulages, Esthétique de la photographie.

Francis Vanoye, Récit écrit, récit filmique.

Francis Vanoye, Scénarios modèles, modèles de scénarios.

Première partieLe système hollywoodien

Chapitre 1Les genres : présentation générale ; drames et comédies

Au cœur même du classicisme hollywoodien, du mode de production des films, mais aussi de leur mode de consommation (massif ou cinéphilique), des tentatives d'imiter ou de reproduire le modèle hollywoodien, on situera d'abord la notion de genre. Chacun sait, ou croit savoir, ce qu'est un western, une comédie musicale, un thriller, un film d'aventures ou de cape et d'épée, etc. Cependant, dès qu'on l'observe de près, la catégorie même de genre suscite des problèmes complexes, sa définition n'est pas aisée, son application ou son extension paraissent parfois évidentes, parfois plus hasardeuses.

Un premier point consiste à se demander si le genre est une catégorie formelle, c'est-à-dire regroupant les films qui obéissent (sans qu'on sache nécessairement si la chose est délibérée ou inconsciente) à un ensemble de règles narratives, dramatiques, stylistiques..., mettant en images un certain type de récit, mettant en scène certains types de personnages – ou s'il s'agit plutôt d'une catégorie commerciale, délibérément façonnée par les producteurs pour répondre aux goûts (du moins aux goûts supposés) du public. Naturellement, les deux conceptions ne sont pas exclusives l'une de l'autre, mais elles ne coïncident pas non plus parfaitement. Par exemple, Jean-Louis Leutrat a étudié l'émergence graduelle du concept de western au fil des années vingt : ce serait, en quelque sorte, rétroactivement que nous considérerions comme autant de westerns des films qui, pour les contemporains, appartenaient à d'autres catégories. Un autre exemple – qui divise encore les historiens et les spécialistes – est celui du film noir : en admettant que cette catégorie constitue un genre (ce que certains contestent), les premiers réalisateurs de films noirs (en 1941 ou a fortiori plus tôt) n'avaient assurément pas conscience de produire des œuvres appartenant à une catégorie qui ne recevrait que quelques années plus tard une dénomination qui, « en français dans le texte », leur assigne une origine non seulement extra-hollywoodienne, mais même non américaine.

On pourrait donc formuler l'hypothèse d'une codification a posteriori du genre, figure d'abord façonnée de manière pour ainsi dire pragmatique, par une série de tentatives et par leur succès ou non auprès du public.

Une définition sur laquelle on s'accordera provisoirement ne tranche d'ailleurs pas entre la conception formelle du genre et sa conception commerciale : elle évoque, à la suite de Hans Robert Jauss, l'« horizon d'attente » du spectateur, l'idée qu'il se fait (ici encore, plus ou moins consciemment) du type de film, du genre de film qu'il va voir1.

On voit bien comment cet horizon d'attente est suscité, dès le générique, par quelques images, photographiques ou dessinées, un paysage, une carte..., par quelques mesures de musique, et bien sûr par des indications sur le lieu et le temps de l'action. L'indication peut d'ailleurs être trompeuse, ou du moins partielle et provisoire : par exemple, dans Stanley and Livingstone de Henry King (1939), un paysage sauvage et enneigé, une musique indienne, le carton « Le Territoire du Wyoming en 1880 » nous introduisent, malgré les apparences, non pas dans un western, mais dans un film colonial dont l'action, pour l'essentiel, sera située en Afrique.

La reconnaissance du genre par le spectateur, la mise en abyme de la convention, se voit clairement dans des œuvres comme Tales of Manhattan de Julien Duvivier, film à sketches dont chaque épisode est réalisé dans le style d'un genre différent (film noir, comédie romantique, film musical, film social, film sur les Noirs), ou comme The Bad and the Beautiful de Vincente Minnelli, œuvre « réflexive » sur Hollywood où l'on assiste à la réalisation d'une série de films (fictifs) appartenant à des genres fortement typés et aisément identifiables : western, film fantastique, film en costume, film sudiste. Variante plus subtilement réflexive, Unfaithfully Yours (Infidèlement vôtre) de Preston Sturges traite le même sujet passionnel, à partir de trois musiques différentes, en film criminel (Rossini), en mélodrame du renoncement (Wagner), en mélodrame russe (Tchaïkovski).

L'identification, le repérage des genres est aussi à l'œuvre, bien évidemment, dans la parodie, qui grossit le trait d'une convention reconnue. Les burlesques s'en sont, très tôt, fait une spécialité. Qu'il suffise d'évoquer ici les exemples de Chaplin, dont la Carmen succède immédiatement aux versions « sérieuses » de Cecil. B. DeMille et de Raoul Walsh (1915-1916), de Buster Keaton, dont The Three Ages parodie le film à intrigues parallèles comme Intolerance de D.W. Griffith ou Woman de Maurice Tourneur, sur « l'éternel féminin », ou encore de Laurel et Hardy, dont le Bonnie Scotland reprend tous les poncifs du cinéma impérial. Plus près de nous, l'œuvre entière de Mel Brooks repose sur le même principe : Blazing Saddles parodie le western, High Anxiety le film à suspense hitchcockien, Spaceballs, la science-fiction genre Star Wars, Young Frankenstein, le film d'horreur, etc.Genres cinématographiques et genres littéraires

Ce qui contribue à compliquer le débat sur les genres cinématographiques est aussi l'existence de genres littéraires et d'une hiérarchie traditionnelle de ces genres qui, pour de multiples raisons, se sont mélangés avec les genres cinématographiques : parce que les critiques étaient de formation littéraire, parce que le cinéma puisait dans la littérature pour l'adapter, parce que les noms des genres sont parfois identiques (ce qui ne veut pas dire que les genres le soient). Il y a par exemple tout un débat sur la distinction entre tragédie et mélodrame qui a certainement sa place dans les études littéraires (et d'abord théâtrales), mais il n'est pas sûr qu'il soit pertinent lorsqu'il s'agit du cinéma. Sans même noter que ce débat mêle le plus souvent des jugements de valeur à des considérations factuelles (le mélodrame étant fréquemment vu comme une forme ratée ou inférieure de la tragédie), l'historien du cinéma doit d'abord observer que la tragédie – dont les formes sont identifiables, sans contestation possible, dans la Grèce antique, dans l'Europe de la Renaissance ou dans la France « classique » du XVIIe siècle – n'a jamais constitué un genre cinématographique. Sans doute existe-t-il des films qui sont des adaptations de tragédie...
S'identifier pour envoyer des commentaires.

Autres contributions de...

Plus d'informations sur Jean-Loup Bourget