Paternage et maternage

Le siècle de Lumières, la Révolution française ont ébranlé le fondement religieux de la paternité : Dieu, le Roi, le Père, cela ne tient plus. La Guerre de 14-18, ses millions de cadavres et de corps morcelés a accéléré ce processus de déstabilisation et contribué à rendre de plus en plus difficile l’établissement des liens de filiation. Dès 1911, Freud avait anticipé le problème. Dans Totem et Tabou, il avait tenté de donner un fondement laïque, historique, à la paternité en le reliant au père de la horde. Mais, il a rejeté comme primitifs les exemples ethnographiques à sa disposition faisant de la mère celle qui transmet le nom du totem. Lacan, après le Seconde Guerre mondiale, s’appuie explicitement sur eux pour élaborer la métaphore paternelle, mais il reste prisonnier de l’organisation patriarcale de la société et plus que la transmission maternelle, c’est le Nom-du-Père qui maintient le discours analytique dans une dimension phallocentrique.
Des liens de filiation en souffrance, les femmes renvoyées sur le versant maternel, la montée d’un féminisme partagé entre un versant essentialiste et les revendications citoyennes, c’est le processus même de l’identité de base qui se trouve menacé, la place de l’enfant, sa relation aux parents, son éducation se centrant alors sur un maternage généralisé.
Qu’est-ce qu’un père s’il n’a plus les attributs dont il a été doté ? A quelles conditions l’enfant peut-il créer son identité de base sur laquelle s’arriment les identifications sociales et sexuées? A quelles conditions les femmes peuvent-elles trouver leur place ? Comment le couple dans sa relation privée peut-il se construire en dehors d’une guerre des sexes ?
Psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, Suzanne Ginestet-Delbreil a publié L'Appel du transfert, InterEditions, 1987, La Terreur de penser, Plancoët, 1997, Du désaveu à l'errance, un préalable à la perversion et à d'autres phénomènes, Plancoët, 2003, Narcissisme et transfert, Campagne Première, 2004.