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Dans le champ des études rétiviennes, Le Palais-royal a sa cohérence, fondée sur ses liens avec l’univers romanesque de Rétif et les événements politiques. Son élaboration est contemporaine de la grande activité législative de l’Assemblée nationale constituante, marquée notamment par l’abolition des droits féodaux, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les décrets contre l’Église (confiscation de ses biens, devenus «nationaux»), la création des départements… La Révolution avance à grands pas, un nouveau monde est en train de naître sur les ruines de «l’ordre ancien».
Depuis 1786, le Palais-royal est devenu, avec ses boutiques, ses cafés et ses théâtres le centre de la vie parisienne, politique, mondaine et libertine. Là se retrouvent écrivains, journalistes, avocats, badauds et curieux. On y discute, on s’y promène, on se plaît à détailler dans la foule les demi-mondaines, les grisettes et les filles publiques. Par son titre, l’ouvrage de Rétif est donc bien propre à attirer l’attention du lecteur. Le faux-titre, «Les Filles du Palais-royal», puis le titre de la première Partie, «Les Filles de l’Allée des Soupirs», précisent le sujet en annonçant un livre libertin. À vrai dire, il s’agit de tout autre chose que de ces almanachs ou catalogues de filles publiques, sortes de guides des plaisirs à l’usage des provinciaux débarquant à Paris. Le Palais-royal est avant tout le lieu d’un plaisir romanesque : le narrateur paye les filles non pour en obtenir des faveurs, mais pour entendre leur histoire. L’objet du livre est l’en deçà de la prostitution, non sa pratique. À la relation sexuelle est substituée une relation de parole et d’écoute.
Avec Les Sunamites (2eme partie), un autre mode de prostitution est présenté : ici de jeunes vierges couchent chastement avec des vieillards pour leur redonner vitalité, par le contact de leur corps et la fraîcheur de leur haleine. L’état de sunamite est du reste provisoire : elles deviennent, selon leurs aptitudes, soit des «berceuses», soit des «chanteuses», soit des «converseuses». Leur corps n’est plus en jeu, seul compte leur esprit. Les «berceuses» sont chargées d’endormir les vieillards par l’agrément de leur conversation, les «chanteuses» de soulager par la qualité de leur voix les maux de la vie, les «converseuses» de faire de même par leur talent à raconter des histoires. Ces ex-Sunamites, dit Rétif, cessent d’être des filles publiques et deviennent des citoyennes. Ainsi, à mesure que l’ouvrage progresse, le monde du Palais-royal s’élève au-dessus du vulgaire et du sordide pour atteindre un niveau où la parole seule est le souverain remède à toutes les infortunes et les frustrations de la vie, où converser c’est conserver, où narrer des histoires est la fonction salvatrice par excellence. C’est en somme la célébration de l’écrivain.
Pierre Testud, professeur émérite des universités, est un éminent spécialiste des études rétiviennes. Il est notamment l’éditeur de l’autobiographie de Rétif (Monsieur Nicolas, 2 volumes, Pléiade) mais aussi de Mes Inscripcions… chez Manucius.
Depuis 1786, le Palais-royal est devenu, avec ses boutiques, ses cafés et ses théâtres le centre de la vie parisienne, politique, mondaine et libertine. Là se retrouvent écrivains, journalistes, avocats, badauds et curieux. On y discute, on s’y promène, on se plaît à détailler dans la foule les demi-mondaines, les grisettes et les filles publiques. Par son titre, l’ouvrage de Rétif est donc bien propre à attirer l’attention du lecteur. Le faux-titre, «Les Filles du Palais-royal», puis le titre de la première Partie, «Les Filles de l’Allée des Soupirs», précisent le sujet en annonçant un livre libertin. À vrai dire, il s’agit de tout autre chose que de ces almanachs ou catalogues de filles publiques, sortes de guides des plaisirs à l’usage des provinciaux débarquant à Paris. Le Palais-royal est avant tout le lieu d’un plaisir romanesque : le narrateur paye les filles non pour en obtenir des faveurs, mais pour entendre leur histoire. L’objet du livre est l’en deçà de la prostitution, non sa pratique. À la relation sexuelle est substituée une relation de parole et d’écoute.
Avec Les Sunamites (2eme partie), un autre mode de prostitution est présenté : ici de jeunes vierges couchent chastement avec des vieillards pour leur redonner vitalité, par le contact de leur corps et la fraîcheur de leur haleine. L’état de sunamite est du reste provisoire : elles deviennent, selon leurs aptitudes, soit des «berceuses», soit des «chanteuses», soit des «converseuses». Leur corps n’est plus en jeu, seul compte leur esprit. Les «berceuses» sont chargées d’endormir les vieillards par l’agrément de leur conversation, les «chanteuses» de soulager par la qualité de leur voix les maux de la vie, les «converseuses» de faire de même par leur talent à raconter des histoires. Ces ex-Sunamites, dit Rétif, cessent d’être des filles publiques et deviennent des citoyennes. Ainsi, à mesure que l’ouvrage progresse, le monde du Palais-royal s’élève au-dessus du vulgaire et du sordide pour atteindre un niveau où la parole seule est le souverain remède à toutes les infortunes et les frustrations de la vie, où converser c’est conserver, où narrer des histoires est la fonction salvatrice par excellence. C’est en somme la célébration de l’écrivain.
Pierre Testud, professeur émérite des universités, est un éminent spécialiste des études rétiviennes. Il est notamment l’éditeur de l’autobiographie de Rétif (Monsieur Nicolas, 2 volumes, Pléiade) mais aussi de Mes Inscripcions… chez Manucius.
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