Tout Annie ERNAUX... ou presque !

Elle a passé son enfance à Yvetot et fait des études à Rouen avant de devenir successivement institutrice, professeure certifiée et agrégée de lettres modernes. Son oeuvre littéraire, pour l'essentiel autobiographique, entretient des liens étroits avec la sociologie. Retrouvez dans ce dossier la petite bibliothèque idéale de Annie Ernaux en poche.

Bonne(s) lecture(s) à tous et rendez-vous avec l'auteure jeudi 14 novembre à 18h00 là où vous savez.

Éditions du Mauconduit

"Est-ce que moi, la petite fille de l'épicerie de la rue du Clos-des-Parts, immergée enfant et adolescente dans une langue parlée populaire, un monde populaire, je vais écrire, prendre mes modèles, dans la langue littéraire acquise, apprise, la langue que j'enseigne puisque je suis devenir professeur de lettres? Est-ce que, sans me poser de questions, je vais écrire dans la langue littéraire où je suis entrée par effraction, "la langue de l'ennemi" comme disait Jean Genet, entendez l'ennemi de ma classe sociale? Comment puis-je écrire, moi, en quelque sorte, immigrée de l'intérieur? Depuis le début j'ai été prise dans une tension, un déchirement même entre la langue des dominés, celle dont j'ai eu honte ensuite mais qui restera toujours en moi. Tout au fond, la question est: comment, en écrivant, ne pas trahir le monde dont je suis issue?"


entretien avec Frédéric-Yves Jeannet

Gallimard

7,40

«J’importe dans la littérature quelque chose de dur, de lourd, de violent même, lié aux conditions de vie, à la langue du monde qui a été complètement le mien jusqu’à dix-huit ans, un monde ouvrier et paysan. Toujours quelque chose de réel. J’ai l’impression que l’écriture est ce que je peux faire de mieux, dans mon cas, dans ma situation de transfuge, comme acte politique et comme don.» Pendant une année environ, sans régularité particulière, Frédéric-Yves Jeannet a envoyé à Annie Ernaux questions et réflexions. Dans ses réponses, l’auteur de La place et des Années s’efforce de rendre compte d’une pratique d’écriture commencée il y a trente ans, de décrire sa manière de travailler, d’expliciter la «visée» de ses textes.
Entretien avec Frédéric-Yves Jeannet
Pendant une année environ, Frédéric-Yves Jeannet a envoyé à Annie Ernaux questions et réflexions. Dans ses réponses, l’auteur de La place et des Années s’efforce de rendre compte d’une pratique d’écriture commencée il y a trente ans...


6,30

«Enfant, quand je m'efforçais de m'exprimer dans un langage châtié, j'avais l'impression de me jeter dans le vide.Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m'aurait obligée à bien parler sans arrêt en détachant les mots. On parlait avec toute la bouche.Puisque la maîtresse me "reprenait", plus tard j'ai voulu reprendre mon père, lui annoncer que "se parterrer" ou "quart moins d'onze heures" n'existaient pas. Il est entré dans une violente colère. Une autre fois : "Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps !" Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l'argent.»


5,70

«J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable. Mais quelle honte pourrait m'apporter l'écriture d'un livre qui soit à la hauteur de ce que j'ai éprouvé dans ma douzième année.»Annie Ernaux.


8,30

«Souvent, depuis le début de notre relation, j'étais restée fascinée en découvrant au réveil la table non desservie du dîner, les chaises déplacées, nos vêtements emmêlés, jetés par terre n'importe où la veille au soir en faisant l'amour. C'était un paysage à chaque fois différent.Je me demande pourquoi l'idée de le photographier ne m'est pas venue plus tôt. Ni pourquoi je n'ai jamais proposé cela à aucun homme. Peut-être considérais-je qu'il y avait là quelque chose de vaguement honteux, ou d'indigne. En un sens, il était moins obscène pour moi de photographier le sexe de M.Peut-être aussi ne pouvais-je le faire qu'avec cet homme-là et qu'à cette période de ma vie.»Annie Ernaux.
«Souvent, depuis le début de notre relation, j'étais restée fascinée en découvrant au réveil la table non desservie du dîner, les chaises déplacées, nos vêtements emmêlés, jetés par terre n'importe où la veille au soir en faisant l'amour.»