Conseils de lecture

9,20
Conseillé par (Librairie La Femme Renard)
24 août 2021

CURIOSITE

Livre après livre, Nina Allan construit une oeuvre singulière, déconcertante qui force l'admiration et sort les lecteurs de leur zone de confort. "La Fracture" en est l'exemple parfait en ouvrant une porte sur un autre monde pour autant qu'on accepte de suivre la voie proposée par cette styliste hors-pair."

Aude


Roman

Actes Sud

22,00
Conseillé par (le Carnet à spirales)
24 août 2021

Ils ont été peints, décrits, poétisés. Ils ont porté la fierté de tout un peuple. Ils ont nourri des générations et des vocations. Les paysans. Corinne Royer, dans un roman librement inspiré de l’histoire de Jérôme Laronze, assassiné en 2017 par des gendarmes, rend hommage à ces femmes et à ces hommes.

Le tour de force de Corinne Royer est d’avoir su canaliser sa forte colère, sa profonde indignation, afin d’aider à porter la parole de ceux qui se taisent, qui subissent l’absurdité du système administratif. Jérôme Laronze est devenu le temps du roman Jacques Bonhomme, patronyme fort de sens. Neuf jours de cavale, de solitude, de regrets, de souvenirs. Neuf jours dans les forêts à éviter l’inéluctable arrestation. Neuf jours d’un rapport quasi charnel à la terre, d’un amour immodéré de son métier, d’une plongée en pleine nature, d’un manque croissant, celui du contact des bêtes. Neuf jours de lectures, de ces livres partout dans la ferme, de cette culture indispensable à sa survie. Entre chaque jour, s’expriment ceux qui ont connu de près ou de loin Jacques. Le vieux Baptiste, la mémoire vivante, Arnaud, le devenu moitié-vivant… Cette plongée en apnée dans ce monde paysan permet d’en contempler l’isolement, d’en comprendre l’oubli, de saisir l’absolu cynisme des règles édictées. La fête pour un procès gagné contre l’administration mais pour combien de défaites, pour combien d’hommes tombés au champ, pas celui d’honneur, non, celui d’une corde à la poutre maîtresse d’une grange branlante. Tous savent que Jacques est victime, que cela finira mal, mais ne peuvent lui venir en aide autrement que par un geste de soutien, un élan de solidarité pour rentrer un fourrage, aider une bête à mettre bas. Toutefois, ils ne peuvent plus rien face au déferlement administratif contre-productif, creusant encore davantage le fossé séparant cette Pleine Terre de cette pleine paperasse. Cette dernière devait garantir le bien-être animal mais devient le fossoyeur de l’animal et de l’éleveur. Corinne Royer ne cherche pas à juger, à moraliser : elle rend seulement compte et c’est plus terrible encore. Un roman fort et émouvant pour secouer les consciences et sortir Jérôme de l’oubli où il est tombé, comme est tombé dans l’indifférence ce monde paysan.

In "Page des libraires" - Septembre 2021


19,00
Conseillé par (le Carnet à spirales)
24 août 2021

Azouz l’a rêvé : la maison de ses défunts parents à Sétif en Algérie prend l’eau. Il doit y retourner. Son frère aîné Samy, malgré sa réticence à quitter la France, accepte de l’accompagner dans ce retour aux sources. Et pendant que l’un peste contre ce pays qu’il ne reconnaît plus et cette maison qui tombe en ruines, menacée par les racines d’un arbre, l’autre prend part au soulèvement démocratique qui ébranle l’Algérie et reconquiert le cœur de celle qu’il a quittée des années auparavant, cette femme fascinante hantée par le massacre de ses parents durant la guerre civile. Mais, dans ce pays sublimé par des années d’absence, Azouz et Samy comprennent qu’ils sont ici aussi des étrangers. Entre l’arbre ou la maison il faut choisir : abattre l’un, démolir l’autre. Peuvent-ils eux aussi sacrifier une identité à une autre, ces binationaux à peine tolérés des deux côtés de la Méditerranée ? Un roman entre rire et larmes, empli de tendresse et d’intelligence.

In "Page des libraires" - Septembre 2021


Éditions de l'Observatoire

20,00
Conseillé par (le Carnet à spirales)
24 août 2021

Abel Quentin signe un formidable roman sur un personnage « ordinaire » qui découvre, naïf contemporain, qu’imposer ses idées est devenu un combat, que l’échange d’arguments a disparu au profit d’une rhétorique unilatérale bien huilée, que pour s’exprimer dans les médias, il faut en connaître et maîtriser les codes.

Jean Roscoff fut brillant. Un vernis de salon sur des parquets devenus glissants avec le temps. Ce normalien, détaché savamment des affres quotidiennes, détaché volontaire de la course à la réussite qui le fuit, fut militant forcené chez SOS Racisme. Il croyait en un avenir radieux, un horizon dégagé, une société qui se transformerait harmonieusement. Mais Jean Roscoff est désormais, comme d’autres, un bout de terre, un « Finistère », qui se détache peu à peu et se perd en mer. Noyé par ses idéaux, convaincu que ses combats passés restent chevaleresques, il se noie, dans l’alcool également. Alors, trente-cinq ans après, qu’est-il devenu ? Lui, le dandy cynique des années 1980, flirtant avec ceux qui seront au pouvoir deux décennies plus tard, se perdant dans la conquête du sexe « faible ». Qu’est-il devenu, avachi sous trente kilos de trop, vivant seul, jeune retraité arc-bouté sur ses certitudes devenues archaïques. Trente-cinq ans plus tard, il termine et publie enfin un livre, une biographie. Trente-cinq ans plus tard, il devient la cible de ceux qui, déchaînés pour presque rien, poursuivent et pendent sur la place publique de la vindicte populaire ceux qui ont fauté. Mais Roscoff a-t-il vraiment fauté ? En fait, Robert Willow est devenu son obsession. Américain fuyant la folie maccarthyste des années 1950, trouvant refuge auprès de Sartre et de ses disciples, Robert Willow est mort piteusement, sur une petite route entre Barbizon et Milly-la-Forêt, après quelques années d’ermite à Étampes. Robert Willow, le poète adulé par Roscoff, auteur de deux recueils aussi mystérieux que confidentiels. Robert Willow que Roscoff rêve en espion infiltré dans les cellules communistes françaises. La biographie est enfin publiée chez un tout petit éditeur. L’omission d’une information capitale sur la personne de Willow est qualifiée d’appropriation culturelle selon certains lecteurs. Mais c’est un parti pris pour Roscoff. Les réseaux sociaux s’emballent, se déchaînent, poussent à la vengeance. Quid alors de la notion de nuance ?

In "Page des libraires" - Septembre 2021


21,00
Conseillé par (le Carnet à spirales)
24 août 2021

Raphaël Arbensis, libanais, est spécialiste en archéologie du Moyen-Orient. Aussi, quand le Général Ghadban l’invite, en 2014, à venir expertiser des pièces importantes en Irak, il accepte par curiosité, leur origine étant probablement douteuse. Il séjournera plusieurs semaines dans l’oasis de Cherfanieh, dans la Plaine de Ninive au Nord de l’Irak, dernier havre de paix et de beauté avant le fracas de la guerre et de ses bombes. Après l’assassinat du Général, Raphaël devra fuir cette oasis devenue poudrière. Majdalani signe un roman aux multiples facettes, passionnant à bien des égards. Ainsi la situation extrêmement tendue et particulièrement compliquée est parfaitement restituée. La somme des volontés d’hégémonie unilatérale des différents camps aux soutiens parfois cyniques empêche la compréhension, divisant le pays encore davantage. Les réflexions sur la démocratie, sur la liberté d’expression, sur les extrémismes et sur cette nature aux portes du désert donnent au roman une profondeur certaine.

In "Page des libraires" - Septembre 2021