Conseils de lecture

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
1 août 2017

Solitudes urbaines

Gordana est caissière dans un supermarché parisien, immuable, vissée sur son tabouret, laborieuse, taiseuse, invisible et pourtant si présente et si humaine. La narratrice l'observe minutieusement, attentivement, deux fois par semaine sans déroger au principe d'attente, au rituel des courses, à la fréquentation de la même caisse. Précisément parce qu'il y a Gordana et qu'elle peut lui inventer, lui imputer des vies multiples, une famille éloignée, des amours délaissées, des rêves abandonnés, casés dans un coin comme oubliés. Elle se nourrit de sa solitude, de sa vie imaginée, se plaît à évoquer sa solitude propre, autre, singulière, à convoquer les siens, ses proches dans un temps et dans un lieu autre, moins anonyme, peut-être plus rural où les liens sociaux et familiaux étaient moins étirés, moins distendus. Le ton emprunté n'est pas nostalgique, plutôt sociologique, fait d'une analyse scrupuleuse et bienveillante. Elle observe, scrute, invente ce qui n'est pas perceptible à l'œil nu mais plausible. Comme une voyeuse habituée à observer, à regarder par en dessous pour voir ce qui s'y déroule, elle accède aussi à sa propre nudité, se laisse aller à ses souvenirs, à son amour inoubliable et perdu. Elle tisse ce réseau de vies intimes entrelacées, ces solitudes noyées de chagrin, ces solitudes profondément humaines presque normales si l'on n'y prête pas attention. Et Marie-Hélène Lafon a ce talent exceptionnel et singulier de prêter plume, style et attention aux petites gens, aux petits riens qui nous fondent, au labeur intransigeant autant que la vie l'est, rugueuse et intransigeante. Gordana est l'une d'elles, invisible et mystérieuse portant pourtant tout son poids de vie, de secrets, de joies et de désappointements. Elle est comme était "Joseph" (2014, éditions Buchet-Chastel), ouvrier agricole, habité par son labeur, sa force de travail louée et ses démons intérieurs. Discrète comme lui, rigoureuse et méthodique à l'instar de celle qui l'observe, laconique, refusant presque de créer tout lien affectif et émotionnel avec ses clients habitués et habituels, elle suscite pourtant la curiosité, l'empathie, le désir d'en savoir davantage, de confronter l'imagination à la réalité perçue. Le récit - les récits devrions-nous dire- sont précieux et la langue précise. Ces solitudes urbaines ou rurales sont magnifiées par la prose de Marie-Hélène Lafon. Lire ses romans participe d'un enchantement assez rare, cela autorise la rencontre et le partage au sens très large des termes, avant tout littéraires.


Christian Bourgois

22,00
Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
29 juillet 2017

Un roman attachant, rocambolesque, délicieux et...jubilatoire (et qui ne trompe pas) !

"Elephant" de Martin Suter enchante et enthousiasme dès son affolant incipit. Le roman s'ouvre au fond d'une grotte suisse dans laquelle réside Schoch, un clochard – ancien financier de haut vol ayant tout perdu - qui, au réveil, découvre à ses côtés un éléphant nain, rose, fluorescent ! On comprend son étonnement et ses questionnements sur ses consommations alcooliques de la veille. Mais non, l'animal est bel et bien là, vivant quoi que mal en point : c'est bien un éléphant nain, rose, fluorescent qui agite sa petit trompe à ses côtés. Le roman entraîne alors le lecteur dans la vie de ce SDF et dans celle de cet étrange animal, de son improbable mais tellement possible conception, génétiquement manipulée, vous l'aurez deviné. Une course poursuite effrénée s'engage alors pour s'emparer de la bête, entre de vils et bêtes personnages qui la souhaitent vulgaire marchandise à monnayer et à reproduire à travers le monde et notre bon ami aidé de quelques bons samaritains prêts à la sauver, la sauvegarder, l'adopter, la protéger, la bichonner. C'est aussi drôle que rocambolesque, peuplé d'étonnants personnages et d'une inimaginable créature à laquelle on s'attache évidemment. Vous allez l'adorer ! Les dialogues, les situations, les personnages et le fil romanesque sont savoureux et s'articulent à merveille dans un rythme tambour battant. Martin Suter décrit admirablement bien notre modernité et nos sociétés contemporaines capables de manipuler l'animalité sauvage pour la marchandiser à tout prix tout en jetant à la rue des hommes et des femmes comme rebuts inutiles sans valeur, geste d'une nouvelle sauvagerie à l'oeuvre. Fable contemporaine énormément ébouriffante et réjouissante, "Elephant" est un roman qui ne trompe pas ! Le retour en très grande forme de Martin Suter !


Albin Michel

22,90
Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
29 juillet 2017

Une grâce

"Bakhita" touche et émeut profondément le lecteur emporté par le destin et l'humanité de ce personnage singulier et universel, un lecteur happé par le souffle littéraire et le tissage romanesque de Véronique Olmi qui révèle les blessures profondes et les guérit à la fois par la grâce de ses mots.

Personnage authentique, Bakhita est née au Soudan au 19e siècle. Razziée enfant, mise en esclavage, elle deviendra religieuse en Italie par le hasard du destin peut-être, par son courage et sa force intérieure sûrement. De cette trajectoire hors du commun qui traverse les époques et les continents, Véronique Olmi dresse une grande figure romanesque qui possède à la fois un caractère singulier exceptionnel et porte en elle une humanité universelle. Dans un style vif, alerte et palpitant de page en page, le roman s'approche au plus près de cette femme noire dépossédée de sa famille, de son enfance, de sa langue, de sa liberté et de son nom. Des pertes et des blessures inguérissables qui ne tarissent pas la force de vie de Bakhita pour se construire une identité et se porter encore et toujours vers les autres. Portrait de femme autant que d'une époque, peuplé de multiples personnages qui donnent chair à cette histoire, "Bakhita" emporte le lecteur dans un tissage romanesque de grande et belle ampleur.


17,00
Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
29 juillet 2017

Corps à corps

Pour avoir refusé un mariage forcé, Manushe a juré de rester une femme vierge, comme l'impose la tradition. Acquérant par ce serment un statut d'homme, elle est désormais respectée de tous dans le village reculé qui lui a accordé l'hospitalité au cœur de montagnes où la rudesse de la vie se dispute à la magnificence des paysages. Avec le temps, elle a enfoui sa féminité et refoulé ses désirs. Jusqu'au jour où apparaît Adrian dont la troublante beauté réveille les émotions et les désirs de Manushe au risque de rompre son serment et la confiance des villageois. Mais derrière les apparences des identités et des corps, les vérités sont mystérieuses et complexes, elles révèlent des vies meurtries par les violences sociales faites aux femmes.
Avec ce premier roman de toute beauté narrative et stylistique, au phrasé poétique et dynamique, Emmanuelle Favier glisse le lecteur sur des chemins jamais vus jusqu'alors. Comme une brume se lèverait au petit matin pour dévoiler un paysage grandiose de haute altitude, les vies de Manushe et Adrian se précisent peu à peu. Jusqu'à ce que tout bascule et que le lecteur plonge de l'autre côté de la montagne, découvrant le versant opposé, les vérités cachées derrière les apparences.
Entre identités choisies et identités subies, "Le courage qu'il faut aux rivières" est un roman fascinant qui alterne subtilement les ombres et les lumières, pose intensément les questions du désir et de la liberté, en faisant surgir des vies bouleversantes, des personnages inoubliables et des images littéraires saisissantes. Une voix est née. Comme les rivières, elle trouve courageusement son chemin et ouvre joliment celui de la rentrée littéraire.


Les microbes, 30 billions d'amis

Dunod

Conseillé par (Librairie L'Armitière)
27 juillet 2017

Ed Yong nous fait découvrir l'univers des microbes en nous expliquant que sans eux nous n'existerions pas.
Expliqué avec beaucoup de simplicité, cet ouvrage démontre que les bactéries font entièrement partie de nous et qu'ils nous aident à survivre.
Un livre fascinant et avec, surtout, beaucoup d'humour !