Fortune de mer

Jean-Luc Coatalem

Stock

  • Conseillé par
    6 novembre 2015

    Fortune de mer

    Dans les remerciements à la fin du roman, Jean-Luc Coatalem salue le chanteur Christophe Miossec pour sa chanson "Fortune de mer". Elle l'a accompagné tout au long de la rédaction de ce livre. Avant de débuter ce billet, je l'ai écoutée et puis écoutée de nouveau. Extraite de l'album Finistériens, elle colle à l'écriture de l'auteur. La mélancolie, la folie, la sauvagerie de la pointe Bretagne et de l'île d'Ouessant sont dans la voix et les instruments parfois dissonants de Miossec.

    L'histoire démarre pourtant sur le tempo d'une comédie romantique. Le premier narrateur, Robin Lescop, docteur en biologie animale, prend le petit Cessna Caravan qui rallie Brest à Ouessant en compagnie de deux druides qui se rendent sur l'île pour célébrer un mariage à la mode celtique. À bord se trouve aussi une journaliste espagnole, Lucia Parma, qui va couvrir l'événement pour "El Pais". Elle a la grâce d'une danseuse, un chignon en forme de donut et un KW couleur framboise. Lui vient régulièrement sur l'île, il est le représentant d'un groupe franco-suédois de cosmétiques et vient vérifier la qualité du miel sucré et iodé des abeilles noires de Ouessant. Ce nectar rentre dans la fabrication de sérum de beauté.

    A leur arrivée à Ouessant, Robin retrouve la pension de famille tenue par Mme Kermarec, veuve d'un officier de la marine marchande. La tranquillité du lieu est à peine troublée par un groupe d'ornithologues japonais. Seule distraction en vue pour la soirée, un concert de Vassili, au bar d'Arlann... Le chanteur, mélange de sang russe et ouessantin, concentre toute la beauté et la violence du lieu.

    Dès que les personnages ont posé le pied sur l'île, tout se dérègle. Ouessant, décrite avec force et poésie, semble posséder le coeur des hommes et les inciter au débordement. La belle, la tendre Lucia est sacrifiée sur l'autel de la folie. Le vent, la pluie, les flots déchaînés, l'insularité transforment Robin et Vassili. Leur part animale se réveille, leur esprit ne distingue plus la réalité de la légende et des rêves. Ce bout de terre battu par les intempéries fait facilement basculer la raison des hommes fragiles.

    Ce court roman est foisonnant, à la fois réaliste et onirique, drôle et effrayant. Il résume, pour moi, la part d'ombre de "l'âme" bretonne, si bien incarnée par le chanteur Miossec.