Du sang sur la glace

Jo Nesbø

Gallimard

  • Conseillé par
    28 mars 2015

    Un tueur sensible perd en efficacité...

    Oslo se transforme en boule à neige sous la plume élégante de Jo Nesbo. Un gadget un peu irréel où le rêve et la réalité changent de place sans cesse, où la lumière joue à travers les différentes structures des cristaux de neige qui varient selon la température. Un lieu hors du temps et de la raison, propice aux passions, aux décisions insensées. L'endroit idéal, le décor parfait pour un conte.

    Du sang sur la glace n'est pas un coup d'attente entre deux aventures de Harry Hole, cette fable de Noël en rouge et blanc est un bel exercice de style dans un registre différent mais tout aussi réussi. Ce polar est drôle, d'un humour noir et cynique, mais l'on se prend souvent à sourire franchement aux propos de Olav et à ses aphorisme pétris de bon sens. Il est également poétique, attentionné, comme ce tueur à gage bizarre et philosophe à l'enfance qui aurait fait hurler Freud de plaisir.

    Olav est dyslexique, il lit sans cesse des livres, plusieurs fois le même mais ce qu'il en comprend n'est pas forcément exactement ce que l'auteur a voulu y mettre, tel Les Misérables de V. Hugo qui sert un peu de fil rouge et de sujet de réflexion à « l'expéditeur » de Hoffmann. Les résultats sont parfois étonnants mais toujours teintés de bon sens. Comme un enfant, Olav manque de filtre. Il est en prise direct, tombe amoureux en cinq minutes, s'intéresse à tout, absorbe l'environnement et le retranscrit agrémenté de ses expériences. Il prend ses rêves pour la réalité, ce qui ne l'empêche pas d'être redoutablement efficace dans son job.

    Le scénario est parfait pour un récit court et dense. Tout doit être réglé rapidement, tout y est fulgurant : l'amour, les plans, les alliances et trahisons, la vie et la mort. Et Nesbo use encore une fois de tout son talent de manipulateur en chef pour un avant-dernier chapitre hallucinant. Cet opus n'est pas sans rappeler Joe R. Lansdale pour le style et l'humour, les idées déjantées et l'intensité. De très jolies phrases, imagées, émouvantes alternent avec des épisodes de violence cruelle mais aussi, parfois, cocasses excellemment traduites.

    Du sang sur la glace est un polar magnifique, une autre face de Jo Nesbo tout aussi talentueuse que celle plus connue des Harry Hole. Impossible à quitter une fois commencé, il se lit d'une traite, une empathie hors de contrôle s'empare du lecteur pour ce drôle de tueur, savant à sa façon, humain à sa manière et terriblement attachant.

    Entre Or Noir de Dominique Manotti, Les Initiés de Thomas Bronnec et ce nouveau Nesbo, La Série Noire tape fort pour son soixante-dixième anniversaire. En attendant la suite de Police, fans de Jo Nesbo, n'hésitez pas, un conte de Noël au printemps, c'est la meilleure manière de patienter !

    La suite de la chronique et la musique du livre sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-du-sang-sur-la-glace-de-jo-nesbo-1427476569)