Gun machine

W. Ellis

Le Masque

  • Conseillé par (Le Merle Moqueur)
    21 février 2014

    Après le foutraque « Artères Souterraines » (éd. Diable Vauvert) , Warren Ellis revient avec un polar plus classique, mais ô combien addictif !

    Le scénariste de (entre autres) Transmetropolitan et The Authority nous livre ici une enquête nerveuse, du hard boiled pur jus qui rend addict dès les premières pages.

    L'inspecteur Tallow découvre un appartement rempli d'armes, toutes ayant servi à commettre un meurtre, aucun n'ayant jamais été élucidé.

    20 ans d'affaires classées, quasiment aucune preuve matérielle, un assassin méticuleux et partiellement psychotique, autant dire le pire qui puisse tomber sur un lieutenant dépressif et un NYPD à bout de souffle.

    « Blood, Sweat and Tears » (du sang, de la sueur et des larmes pour les anglophobes) résume à merveille ce polar monstrueusement efficace.

    Etienne


  • Conseillé par
    12 mai 2014

    Alors que jusque là John Tallow faisait son boulot de flic sans réelle motivation, il change de philosophie le jour où Jim Rosato, son partenaire, est descendu par un forcené à poil dans un vieil immeuble new-yorkais. C'était Jim le bon flic, celui que tout le monde appréciait, qui s'y connaissait en bagnole, en conduite et qui passait toujours le premier lors des interventions. Alors John flingue le pourri qui a tué son coéquipier et, encore souillé du sang et de la cervelle de son ami, commence ses investigations dans l'immeuble. Ce faisant, il découvre un appartement blindé, véritable cache d'armes où au moins deux cents flingues en tout genre sont artistiquement disposés du sol au plafond. Sommé par sa chef de régler cette affaire au plus vite, John se rend compte que les armes ont servi à commettre des crimes non résolus, qu'il est seul sur le coup et que sa hiérarchie va enterrer l'affaire et sa carrière avec. Heureusement, dans son malheur il a la chance de tomber sur deux TSC (techniciens de scène de crime) un peu barrés mais très doués qui vont mettre toutes leurs compétences au service de la quête de celui qu'il a baptisé ''Le chasseur'', cet homme insaisissable qui a fait de Manhattan son terrain de chasse et tue en toute impunité depuis des décennies.

    Si Warren ELLIS est surtout connu pour son travail de scénariste chez Marvel, il ne démérite pas avec ce polar sombre et déjanté très réussi. Manhattan, comme si on y était, avec son lot de crimes et ses flics en patrouille. L'auteur nous donne d'ailleurs à voir une police bien loin de l'image idéale véhiculée par les séries du genre. Ici, pas de solidarité, pas d'amitié, pas de soutien. Les gradés ne pensent qu'à leur carrière et à une éventuelle promotion, personne ne veut se mettre son supérieur à dos, en bref, personne ne veut se mouiller. Carriérisme et corruption sont érigés en valeur et les flics de base de débrouillent avec la rivalité entre services, le manque de moyens, le manque d'effectifs et les coups tordus de la hiérarchie. Au travers de ses personnages de flics désabusés qui font de leur mieux tout en pressentant que leur affaire finira aux oubliettes, ELLIS dresse le portrait d'une société américaine où le crime est un fait banal dont l'individu lambda se tient pour préserver sa tranquillité et qui n'intéresse le flic que dans la limite où il peut en tirer bénéfice. Mais, là où il aurait pu se contenter d'écrire un énième scénario pour un épisode de NYPD blue, il a su se démarquer en raconter aussi l'histoire de la ville depuis l'époque où elle était le territoire des amérindiens. Anecdotes historiques, légendes amérindiennes et physionomie de l'ancienne Manna-hata des Lepones émaillent un récit vif et percutant que l'on dévore avec jubilation. John Tallow , anti-héros partagé entre sa volonté d'aller jusqu'au bout et son envie de tout lâcher est un personnage qu gagne en épaisseur au fil de l'histoire et qu'on aurait plaisir à retrouver dans d'autres enquêtes, surtout s'il est encore une fois secondé par Bat et Scarly, les deux énergumènes du service technique qui apportent la dose d'humour nécessaire pour contrebalancer les horreurs décrites par le menu.
    Un polar qui tient la route, efficace et addictif.


  • Conseillé par
    29 janvier 2014

    De la BD au polar

    A côté des stars du genre, de nouveaux noms surgissent sans cesse au rayon polars, dénichés aux quatre coins du monde. Romanciers polyvalents, journalistes ou avocats, policiers ou magistrats, ils tentent d'intégrer cette famille gourmande de voix neuves et d'atmosphères singulières. Passée au tamis des libraires, des critiques et du bouche-à-oreille, une poignée d'entre eux surnage.

    Warren Ellis est un de ces auteurs surgis d'ailleurs. Britannique, 45 ans, scénariste pour Marvel Comics, auteur de la BD " Red " portée à l'écran avec Bruce Willis et Helen Mirren dans les premiers rôles, il déboule d'un univers où le verbe ne vit pas sans l'image et où l'action et le muscle priment. Ses ange-gardiens y croient. Aux Etats-Unis, Fox va adapter son livre en série télé. En France, son éditeur le fait venir au festival Quais du Polar de Lyon. Avec sa barbe en pointe et son look uniformément noir, voici un bon client pour assurer le show. Mais son roman ?

    A son crédit, " Gun machine " démarre très fort. Une patrouille est envoyée en urgence maîtriser un forcené. Le flic new yorkais John Tallow voit celui-çi brûler la cervelle de son équipier. En l'abattant à son tour, il fait un gros trou dans un mur et met au jour un appartement tapissé d'armes. Après analyse, chacune se révèle avoir servi à un crime non résolu. Ce que Tallow ignore – mais pas le lecteur – c'est qu'il croise très vite le tueur lancé à sa poursuite. Une sorte de vagabond qui se prend pour un Peau-Rouge en chasse et voit la ville comme avant les premiers colons.

    L'argument sort de l'ordinaire. Warren Ellis s'amuse ainsi à décortiquer New York jusqu'à ses fondations indiennes. Et comme cet homme-là a le visuel dans le sang, il enchaîne les images fortes. Il a aussi le sens du casting, lançant sur les traces du " chasseur " un trio d'enquêteurs des plus iconoclastes. Lâché par ses collègues, Tallow hérite de deux jeunes techniciens de la police scientifique, rebelles mais surdoués. Leur choc de culture fait souvent sourire. Ce qui fonctionne moins bien, au fil du livre, c'est un traitement inégal des personnages secondaires, des clichés sur la corruption et l'affairisme, des libertés prises avec la clarté du récit, en particulier sa fin vite expédiée. Le positif l'emporte quand même. Warren Ellis a défriché un terrain vierge. Il lui reste juste à le bonifier.

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