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    22 janvier 2014

    Chronique

    La couverture l’annonce un peu : quand on ouvre ce livre, on plonge dans une narration déstructurée, un récit mêlant plusieurs voix et plusieurs époques dont chacune fait l’objet d’un traitement graphique distinct.
    Il y a des traits faussement maladroits, dont le style « fil de fer » dit la maladie et le ressassement, la fracture et la réclusion en soi-même ; les signes récurrents de cette pathologie seront un arbre sec, une station-service, la nuque d’une femme.

    Il y a des camaïeux de gris et de brun pour rendre l’atmosphère crépusculaire – on dirait volontiers « bas du front » – d’une bataille de tranchées; des lavis sombres peignant une campagne noyée dans une nuit humide ; les crayonnés se font drus pour rendre l’action de la pluie et des larmes qui ravinent au fil du temps les paysages et les visages, creusant rides et reliefs sur des surfaces lisses.
    Dans cet univers mélancolique, les taches de couleurs chaudes sont celles des explosions, des éclairages électriques, des phares de voiture, mais aussi de la carnation humaine à ses extrémités translucides, symbole d’une vie absurde et fragile, mais têtue.
    C’est l’histoire de l’éternelle bataille que se livrent la pulsion de vie et la tentation de l’auto-destruction dans l’esprit des hommes en proie à l’angoisse de la stérilité et de la mort.
    C’est l’histoire d’un type qui accepte finalement de vieillir, de vivre coûte que coûte, et cela n’avait sans doute jamais été raconté de manière aussi originale et belle en bande dessinée.