Journal lacustre

Jean-Philippe Delhomme

Exils

  • Conseillé par
    25 septembre 2013

    L'île de la création

    Ce " Journal lacustre ", n’est pas un journal. Et ne croyez surtout pas qu’il se passe au bord d’un lac.

    Jean-Philippe Delhomme a dû bien s’amuser en écrivant ce roman dans lequel il embarque son lecteur avec virtuosité et nonchalance à destination d’une île, sans nom, à la rencontre d’un auteur à succès, sans nom également. Celui-ci s’est laissé convaincre de publier ce journal sous l’amicale pression de son éditeur et de ses lecteurs.

    L’auteur raconte donc sa vie sur laquelle il pose, avec distance et ironie, son regard « gris bureaucratique ». On ne le voit jamais écrire même si, comme il se doit sur une île d’écrivain, on trouve l’inévitable cabane d’écriture avec les Essais de Montaigne en Pléiade. Il y a la pêche aussi et tous ses accessoires : la canne, les leurres et des bottes, des Le Chameau évidemment, dans lesquelles il se sent si bien qu’il les garde parfois pour écrire. Ceci étant, il ne pêche pas plus qu’il écrit.

    Il faut dire qu’il est très occupé. Il passe beaucoup de temps avec Loureaud, l’indispensable factotum qui veille sur lui, sur  la maison et  sur l’ile avec bienveillance et dont la femme cuisine merveilleusement. Et puis l’auteur reçoit souvent ; surtout des femmes. Elles défilent les unes après les autres : Carolina, Frieda, Alicia, la journaliste … toutes dotées d’une libido gourmande qui laisse le lecteur rêveur et l’auteur songeur, un peu las et désabusé comme si tous ces désirs, dont au demeurant il ne se prive pas de profiter, l’encombraient un peu.

    Parmi toute ces femmes, une fait exception. Adriana. Elle n’est jamais venue sur l’île, il ne l’a jamais possédée. Un regret et une souffrance dont il confesse qu’ils sont à l’origine de cette « Passion toscane » le roman qui l’a rendu célèbre. Comme si seul le manque, l’insatisfaction, le désir inassouvi étaient susceptibles de susciter la création. Car c’est bien cela le sujet de ce livre : tenter de cerner d’où sourd la création ?  C’est ce dont il s’entretient d’ailleurs avec son meilleur ami, le peintre Fouroux, fasciné par le sexe des femmes. Les femmes encore et toujours. A l’origine du monde, à l’origine de la création ?

    Pas plus qu’il n’a résisté à son éditeur, l’auteur n’a résisté au désir de Fouroux d’illustrer ce journal. Cela nous vaut de nombreuses encres, liquides et magnifiques, comme autant d’évocations d’un monde insaisissable, rêvé en noir et blanc. D’un monde envoûtant et secret  aux contours aussi incertains que les pages déchirées de ce livre non massicoté que l’on referme avec regret. Parce qu’il est fini.

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