Il ne doit plus jamais rien m'arriver

Mathieu Persan

L'Iconoclaste

  • Conseillé par (La Droguerie)
    12 mars 2023

    Même sans le savoir, vous connaissez déjà Mathieu Persan pour son magnifique travail d’illustrateur (les couvertures Gallmeister, pour ne citer qu’elles, ainsi que celle, si belle, que vous voyez sur la photo). « Il ne doit plus jamais rien m’arriver », c’est la phrase prononcée par la mère de Mathieu le jour où elle donna naissance à sa fille, bientôt suivie de ses deux fils - et pendant longtemps et si peu à la fois elle fut cette mère aimante, protectrice, drôle, intelligente, formant avec son mari un couple de piliers inébranlables et complémentaires. Mais hélas, comme on le sait, il finit toujours par arriver quelque chose…
    On ne va pas vous mentir : les larmes montent parfois aux yeux pendant la lecture de ce texte aussi tendre que drôle et bouleversant - et tellement vivant. Mathieu Persan retrace avec grâce et amour cette vie de famille qu’on aurait bien envie de partager et dresse un inoubliable portrait de ses parents - que l’on s’imagine aisément en acteurs pleins de séduction et de vie dans ces films qu’on aime tant. Ce livre est un concentré d’amour et d’émotion - mais sans jamais être mièvre.
    Écrire et dessiner aussi bien, c’est tout de même un comble 😉


  • Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
    10 mars 2023

    EMOUVANT SANS PATHOS

    « Il ne doit plus jamais rien m’arriver », cette phrase est celle prononcée par la mère de l’auteur après la naissance de son premier enfant, la soeur ainée de Mathieu Persan. Placée sur la couverture de l’ouvrage elle dit tout de ce récit consacré à cette femme, qui devenue mère, décide de se consacrer exclusivement à sa fille puis à ses deux fils qui lui succèderont. Elle veut être pour eux insubmersible, former un rempart, une digue, un château fort qui arrêteront les assauts répétés des problèmes de l’existence. Le père, à sa manière à lui, faite de tendresse, de recul, va lui aussi s’abandonner à la volonté exclusive de sa femme. La famille devient ainsi le pivot de la vie de ce couple, qui accueille au dessus de leur appartement successivement deux des trois enfants comme un signe d’une protection qui va bien au delà de l’enfance. Insubmersible donc jusqu’à ce que surgisse, à l’âge de la retraite, un impondérable définitif: le cancer.

    En se rendant à quatre heures à l’hôpital, Mathieu Persan se remémore alors, sous l’enseigne lumineuse du Toutou Shop, veilleur et guetteur des moments importants de la vie de famille, les derniers mois du combat mené par sa mère contre la maladie.

    « Le genou. C’est arrivé par le genou. On s’attendait à tout sauf à ça. Connaissant maman elle aurait sans doute lancé: « le genou, ben merde c’est pas le pied » et ça l’aurait fait rigoler ».

    Le ton est donné et sur ce thème lu et relu des centaines de fois, l’auteur réussit à imposer sa patte originale et magnifique, qui oscille entre tendresse, tristesse et humour. Illustrateur connu notamment pour ses dessins dans le magazine Zadig ou les magnifiques couvertures des cinq romans à succès de la Saga des Cazalet, il remplace les couleurs de ses crayons par les mots toujours justes, ceux qui disent de manière détournée l’amour incommensurable d’un enfant pour sa mère. Dans ce premier roman, qui évite les pièges du genre et les phrases ciselées des ateliers d’écriture, Il décrit les étapes de la maladie sans pathos et trace en creux un superbe portrait de sa maman. Lorsque l’inéluctable arrive, progressivement, le ton change car vient le moment de continuer son chemin. Il faut bien vivre malgré tout. Surgissent alors les contingences matérielles, les préparatifs de l’enterrement, les formalités administratives, le choix d’un caveau, d’un cercueil. Au fur et à mesure des heures qui s’écoulent, la vie reprend le dessus et l’esprit de Mathieu Persan et de son père dérivent vers les souvenirs. Les sourires se multiplient au fil des pages, protection contre une douleur trop grande pour accaparer tout le corps et l’esprit. Au fil des pages, surgit un principe essentiel qui rend la livre magnifique: la vie n’est jamais aussi forte et belle que lorsque elle côtoie la mort. C’est la proximité de la fin qui rend son approche intense.

    L’auteur dans son récit, ni exagérément drôle, ni exagérément triste, dresse un bel hymne aux joies et bonheurs de l’existence, à ses repas familiaux dominicaux, à ses belles familles si disparates mais si attachantes par leurs différences. Il découvre aussi peu à peu que cette maman si protectrice, oublieuse de ses convictions féministes, abandonnant dans son rôle de mère toute ambition professionnelle, a probablement vécu une fracture personnelle qui modifia toute sa vie. On croit savoir, deviner, mais les mots s’arrêtent devant un secret jamais dévoilé.
    « Et maman qu’est ce qui restera d’elle quand on sera tous morts? Quand on retrouvera son pendentif en forme de coeur au fond d’une boîte est ce qu’on sera capable d’en raconter l’histoire? ». Il restera d’elle ce magnifique texte qui ne prend pas la forme d’un hommage mais restitue l’essentiel d’une vie. Et permettra à des arrières arrières petits enfants de dire l’histoire d’un pendentif précieusement gardé au fond d’un coffre-fort. Comme si la vie se résumait à quelques histoires, à quelques objets et à rien d’autre.