• Conseillé par
    18 mars 2012

    En matière de viennoiseries, je suis corps et âme vouée au pain aux raisins, mais les bouffées qui s’échappent des boulangeries ont un petit quelque chose d’euphorisant. Pour finir de planter le décor, je souligne que la philosophie et moi ne nous fréquentons qu’épisodiquement. Mais j’étais au Procope le soir de la remise du Prix des Lumières et le livre lauréat m’a immédiatement intriguée. Toutefois, ne vous attendez pas à une analyse très poussée du livre.

    Dans son essai, Ruwen Ogien réfléchit aux intuitions et aux règles de raisonnement morales et à ce qui fonde l’éthique. Dans le sens de la philosophie expérimentale, il présente plusieurs expériences de pensée et détaille les scénarios possibles pour chacune d’elles. Selon le principe qu’il faut traiter les cas similaires de façon similaire se posent alors de multiples questions. Quelle est la différence entre tuer et laisser mourir ? La morale peut-elle aboutir à des conclusions contradictoires ? Faut-il refuser le débat dès lors que les principes sont absurdes ? Comment peut-on justifier des intuitions morales aux conséquences fâcheuses ? Est-il moral de faire de l’homme un moyen ? « Il est contraire aux lois et aux mœurs de notre société de recevoir une rémunération en échange d’un don d’organe. Mais en quoi est-ce contraire à la dignité humaine ? » (p. 188)
    L’auteur différencie les intuitions conséquentialistes et les intuitions déontologistes, à savoir s’il faut tenter de faire le moins de mal possible ou de ne faire aucun mal. Il interroge également sur les fautes morales sans victimes et sur la tendance humaine à créer une morale étendue à quasiment toutes choses. Question se pose également de savoir si la morale est innée, acquise, universellement partagée ou encore influençable ? Les expériences présentées par Ruwen Ogien témoignent qu’une simple odeur de croissant chaud peut encourager des comportements vertueux et que des injonctions rationnelles peuvent favoriser des réactions néfastes. « Quand vous dites à quelqu’un qu’il est bon, il ne va pas vous demander des preuves. Quand vous lui dites qu’il est mauvais, il va probablement en exiger. » (p. 225)
    Au fil de la lecture, on comprend que les théories qui semblent simples au premier regard ne demandent qu’à se complexifier au contact des raisonnements et des objections. Il apparaît finalement – et on s’en doutait déjà – qu’aucune réponse ne peut se prétendre la bonne et que la morale ne peut fonder des vérités définitives.
    L’essai de Ruwen Ogien introduit simplement et clairement la philosophie morale et expérimentale et les théories de ses représentants. Je lui reproche un petit penchant à la redondance, mais je lui adresse toutes mes félicitations sur un point : il m’a donné envie de relire Kant et ça, ce n’était pas gagné !