Risque zéro

Olga Lossky

Denoël

  • Conseillé par
    20 février 2019

    Un roman qui pousse jusqu'au bout l'ambiance actuelle du risque zéro, du parapluie ouvert dès qu'une goutte tombe, de ce que l'on a un temps appelé le principe de précaution, de peur de prendre des risques. On peut rêver d'un monde aseptisé dans lequel tout est calculé pesé, géré par des algorithmes, on peut imaginer qu'il nous débarrassera de toutes les tâches rébarbatives qui seront déléguées à des robots, c'est ce monde que décrit Olga Lossky. Qu'elle oppose à celui qui ose encore, qui parie sur l'humain plus que sur la technologie. D'aucun pourrait lui reprocher un certain manichéisme, sauf qu'elle fait bien ressentir le dilemme de ses personnages, Agnès en tête, qui se pose beaucoup de questions et pense aussi à la sécurité de ses enfants. Ceux qui ont refusé Providence, comme Horace le centenaire bougon, ne le regrettent pas et n'en rêvent pas secrètement. Providence ne me fait pas rêver mais les bondieuseries des grands-parents d'Agnès réfractaires au système, encore moins. Tout le monde a ses avantages et ses inconvénients.

    Olga Lossky montre son héroïne qui, seule, dans la cellule de garde à vue, peut enfin réfléchir à sa vie et à ses relations avec autrui, biaisées par Providence. Elle a envie d'humanité : "Elle éprouvait de façon quasi physique ce lien d'humanité qui la reliait à ses semblables, malgré son isolement, et lui mettait le cœur en joie. Il avait fallu venir dans ce lieu improbable pour faire une telle découverte. Agnès aurait souhaité mettre un mot sur son expérience, mais cela échappait à toute définition." (p.125/126) C'est le cœur et tout l'intérêt du roman : la remise en question d'une femme au travers des évolutions techniques de nos sociétés qui la déshumanisent en y apportant des améliorations et avantages indéniables. Doit-on sacrifier l'humanité, les relations, l'entraide, tout ce qui fait que nous sommes des Hommes au profit d'une espérance de vie plus longue en très bonne santé, sécurisée, sans surprise (mauvaise il va sans dire, mais sans doute les bonnes aussi) ?