Là où vivent les loups

Laurent Guillaume

Denoël

  • Conseillé par
    8 juillet 2018

    Priam Monet, presque deux mètres de haut et plus de 150 kilos, d'humeur invariablement de chien, misanthrope, commandant à l'IGPN -la police des polices- détestant être loin de Paris, débarque à Thyanne, vallée perdue des Alpes, pour faire un audit de la police locale. Bien accueilli par Claire, jeune flique sympathique, mariée à un garde forestier, deux enfants. Lorsqu'un migrant est retrouvé au bas d'une falaise, mort, seul Priam comprend qu'il ne s'agit pas d'un accident. En tant qu'ex de la crim', la substitut du procureur lui donne la direction de l'enquête.

    Tout pour plaire, ce Priam : son physique, sa misanthropie, sa quasi perpétuelle mauvaise humeur. Les mots les plus usités au début de l'ouvrage sont "il déteste", "il n'aime pas", c'est presque un inventaire. Enfin, un héros qui sort de l'ordinaire. Je sens que je vais me régaler. Et ça commence très fort. Antipathique et attachant, Priam s'accorde les grâces de Mona, la fillette de Claire, sa collègue, qui n'a pas la langue dans sa poche. Le duo Claire/Priam fonctionne parfaitement et Laurent Guillaume évite le piège de la fliquette qui apprend tout du super commandant ; chacun y va de ses bourdes, mais aussi de ses réflexions et recherches qui font avancer l'enquête.

    Les personnages sont fouillés, travaillés et le contexte géographique et économique entre en interaction avec leurs rôles, leurs attitudes : Priam que rien ne lie au lieu n'hésite pas à donner un coup de pied dans la fourmilière -même si lorsque c'est Mona qui lui en montre une vraie, devant la petite, il n'ose pas- lorsque Claire, habitante du lieu, hésite ; ne veut pas se mettre à dos les gens qu'elle connaît depuis longtemps et avec lesquels elle continuera de vivre après l'enquête. La montagne est très présente, l'ambiance, presque un huis-clos dans cette vallée, pas vraiment joyeuse. L'air est lourd. Le romancier, ex-flic, décrit très bien cette atmosphère tendue, sous pression qui joue pour beaucoup dans l'absolue nécessité de tourner les pages vite sans pour autant en rater une seule.

    L'intrigue tient la route ,même si l'on peut se douter assez vite du rôle de certains ; c'est le huis-clos qui veut cela, mais des détails qui s’avéreront n'en être pas forcément viendront ajouter du piment et du suspense. Jusqu'au bout, j'ai lu avec plaisir et avidité. Le ton adopté par Laurent Guillaume y est aussi pour beaucoup. Priam a un langage fleuri, son côté ours parisien se heurte à tout ce qu'il voit et à ceux -et surtout celles : Claire, Mona la petite fille et Marie la journaliste- qu'il rencontre et qui l'humanisent un peu. Ce polar tourne admirablement bien et c'est une divine surprise, de celle qui, lorsqu'on ne s'y attend pas -c'est le principe de la surprise-, laisse un goût de revenez-y -et oui, je verrais bien Priam revenir dans une autre aventure -c'est dire si j'ai aimé-, et surtout de "mais-pourquoi-c'est-déjà-fini ?". Et pourtant, 300 pages, j'ai pu en profiter, n'est-il pas ? Oui, mais j'aurais bien pris du rab, comme Priam lorsqu'il est à table...