Brasier noir

Greg Iles

Actes Sud

  • Conseillé par (Au moulin des Lettres)
    15 décembre 2018

    Un roman noir qui plonge dans les racines du Mississipi et de ses meurtres racistes...

    Dans la famille du « Ku Klux Klan », craignez plus encore les « Aigles Bicéphales » !
    C’est au début de l’imposant roman de Greg Iles (1050 pages, deux autres tomes vont suivre) qu’on apprend à quelle occasion ce groupuscule (inventé par l’auteur mais inspiré par le « Silver Dollar Group ») se constitue en 1964, émanation du KKK en pire.
    Le rêve de ces types de Natchez, Mississipi, ville natale de Iles, est de descendre Martin Luther King et Bob Kennedy, en tout cas de faire mieux que ce KKK qu’ils trouvent désormais ringard et mou. Violence, haine et vengeance sont les ressorts de ce roman noir qui se situe dans ce vieil Etat ségrégationniste.
    Un saut dans le temps nous ramène dans les années 2000. Les « Aigles bicéphales » ont certes vieillis mais restent bien accrochés à leur morale immonde ; ils continuent à entretenir des relations autour d’ un juteux trafic de méthamphétamine.
    Un petit groupe de personnages va cependant essayer de les faire tomber, famille fort sympathique qui a tous les attributs d’une famille américaine très conventionnelle : Tom Cage, le père, médecin aimé par ses patients et respecté par la communauté de Natchez, Penn, son fils, ancien procureur devenu maire de cette même ville, et Caitlin, la compagne de Penn, journaliste carriériste héritière d’un empire de la presse. Ils vont chacun à leur façon essayer de résoudre l’assassinat de l’ancienne infirmière noire du docteur Cage, Viola Turner. Ce meurtre se révélera avoir des implications beaucoup plus larges et va réveiller de vieilles histoires liées à la disparition du frère de Viola dans les années 60 ainsi que celle de deux de ses compagnons, jamais tirées au clair.
    Greg Iles vit à Natchez et connaît bien le passé de sa ville. Tout en écrivant un roman qui répond aux critères du polar, il rend hommage au travail d’un journaliste local, Stanley Nelson, sous les traits du personnage de Henry Sexton qui s’acharne lui aussi à trouver les auteurs de crimes racistes jamais élucidés.
    Sans temps mort, ce roman à l’architecture complexe vous emmène au fin fond de l’Amérique sudiste d’hier et d’aujourd’hui.


  • Conseillé par (Le Merle Moqueur)
    3 décembre 2018

    Sans doute le polar de l'année!

    "The past is never dead/ It's not even past", ces vers de W. Faulkner auraient pu servir d'épigraphe, tant ils semblent avoir été écrits pour "Brasier noir".
    Dans un Mississippi poisseux, la mort d'un infirmière noire va faire ressurgir les vieux fantômes ségrégationnistes du passé.


  • Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
    6 mars 2019

    Brasier Noir

    Avec « Brasier Noir », le romancier américain Greg Iles ouvre une trilogie exceptionnelle, qui se poursuit avec la parution actuelle de « L’arbre aux morts ». L’écrivain nous emmène dans les recoins les plus sombres et sordides de l’histoire des Etats Unis. Prodigieux et irrespirable.

    Un lecteur averti en vaut deux. Alors avant de commencer cet énorme ouvrage, prenez votre souffle, ralentissez votre respiration car vous allez entrer en apnée pendant plus de mille pages, mille pages qui vont vous tenir en haleine, vous faire rencontrer des personnages inoubliables, vous hanter même en dehors de longues heures de lecture. C’est l’ignominie, l’horreur d’une société raciste dans les années soixante dans l’état du Mississipi que nous raconte l’auteur. Bien entendu qui dit roman policier, dit intrigue, suspense, et Greg Iles tire toutes les ficelles du genre, nous incitant à tourner à chaque fois la page et à prolonger notre lecture jusque tard dans la nuit. Un père médecin accusé de meurtre sur son ancienne maitresse noire, un fils maire de la ville de Natchez, se débattant avec l’image idéalisée de ce père a priori irréprochable, un chef mafieux, des meurtres, des vengeances, des complots, forment la structure solide et haletante du livre. Mais la force de l’ouvrage réside avant tout dans la description de la société américaine, dans ce Sud des années soixante où les tirs de la guerre de Sécession résonnent encore dans les esprits marqués notamment par les assassinats de Martin Luther King, John Fitzgerald Kennedy et Bob Kennedy, les « trois K » comme les trois K du Ku Klux Klan. Cette société secrète est trop tendre pour quatre assassins fondateurs de « Aigles Bicéphales » qui vont, au nom de la supériorité de la race blanche instaurer un ordre racial démoniaque et totalitaire. Quarante ans plus tard les cadavres écorchés, dépecés, démembrés reviennent à la surface et Greg Iles nous narre une amérique contemporaine, toujours hantée par ces horreurs.
    Greg Iles est un écrivain, un grand écrivain et ces constats nous sont amenés en douceur, sans effets de manche, simplement en racontant avec des mots justes, des histoires dont il nous précise qu’elles sont inspirées de « véritables affaires », même si les résolutions romanesques de celles ci différent de la réalité. Les personnages et leur histoire traversent celle de leur pays et la confrontation générationnelle est passionnante, permettant d’établir un pont entre les années soixante et celles du XXI ème siècle, dévoilant un socle raciste toujours solide et fondateur et dévoilant des hypothèses probables sur l’assassinat de JKF et le rôle de la mafia. Histoire quotidienne locale et histoire nationale se confondent pour tisser une toile lisible de tous, fondée sur la couleur de peau.

    Greg Iles ne nous pas lâché, il nous a tenu la tête hors de l’eau jusqu’au dénouement final haletant mais nous a fait plonger dans les miasmes les plus sordides et horribles de l’histoire raciste des Etats Unis. Un pays dont on comprend au fils de nombreuses lectures qu’il est construit sur une histoire fantasmée. Le livre de Greg Iles renvoie l’Amérique à ses démons originels. Qu’elle n’arrive pas à vaincre pour l’instant.