Corruption ordinaire

Christophe Gavat

Plon

  • Conseillé par
    16 avril 2018

    Christophe Gavat est commissaire de police. Il fut mis en examen dans "l'affaire Neyret", puis relaxé. Son premier livre fit l'objet d'une adaptation cinématographique par Olivier Marchal sous le titre Borderline (excellent, je l'ai vu).

    Roman policier réaliste qui relate parfaitement le travail de fourmi des enquêteurs surtout lorsqu'ils vont dans le monde impitoyable, tortueux et abstrus des affaires politico-financières. Dès qu'ils ont trouvé un fil, ils le tirent, et les découvertes toutes plus époustouflantes les unes que les autres se font jour. Si ce n'est parfois un petit souci avec l'unité de temps -des allers-retours, le maire que je croyais en prison qui revient- vite dépassé, je dois dire que je n'ai pas pu quitter le bouquin. Je n'ai pas été au point des flics de Christophe Gavat qui laissent leur vie de famille de côté, mais à certains moments, j'aurais pu rester dans mon canapé à lire plutôt que de préparer le repas ou aller à une réunion de boulot. Mais je suis un garçon raisonnable, ce ne furent que des velléités.

    Tout cela pour dire que, aussi incroyable que cette affaire puisse paraître, elle aurait très bien pu faire la une des journaux actuels et les choux gras des médias. "En enquêtant sur ce dossier, les policiers ont pris conscience que, aussi rigoureuse et précise soit leur enquête, elle ne sera jamais que le reflet de dix pour cent de la réalité corruptive, prégnante à Sainte-Jeanne. Ils ne pensaient pas que cette affaire les amènerait à tirer cette conclusion désespérante : tel un cancer incurable, la corruption se propage de la tête à la base." (p.249)

    Christophe Gavat sait de quoi il parle et mène son récit sans temps mort. Il est passionnant, par son enquête, mais aussi par les hommes -et femmes- qui l'incarnent. Stanislas Midlak en tête qui sent que son couple ne tiendra pas le choc mais qui se cache la vérité, et les autres plus ou moins célibataires, dragueurs, pour qui la vie professionnelle passe avant tout. Ecrit par un flic dont le point de vue est partial voire contestable ne représentant que des flics intègres et des politiques pourris, il peut même frôler la caricature, mais sans doute y a-t-il plus de politiques que de flics poursuivis pour divers délits et les sommes, les objectifs et les conséquences ne sont-ils pas les mêmes ? Le politique à l'image de Robert Delacour, agit pour son propre compte, pour son profit personnel pas encore, pour détourner un titre de Pierre Combescot, "Pour [son] plaisir et [sa] délectation charnelle", mais d'autres réels et connus l'ont fait. Il agit pour le pouvoir et pour jouir de sa position de force, et toujours au détriment des citoyens que nous sommes, car au bout du compte, c'est nous qui rembourserons. Sainte-Jeanne est la commune la plus endettée de France, je n'ai pu, tout au long de ma lecture me défaire de l'image du maire de Levallois-Perret et de son épouse mis en examen plusieurs fois et qui continuent à gérer la ville, un modèle pour Robert Delacour à n'en pas douter.

    Le label Sang neuf -dirigé par Marc Fernandez- chez Plon s'enrichit d'un titre fort qui bénéficie en plus d'une couleur de couverture inédite et du plus bel effet, entre le vert et le bleu, turquoise peut-être ?


  • Conseillé par
    8 mars 2018

    corruption, policier

    Une commune du sud-ouest de la France. Tous, maires, premier adjoint, élus, cadres administratifs, chefs d’entreprises de la région, se connaissent et font des affaires ensemble. Ils sont tous mouillés dans un dossier de corruption qu’une équipe de flics a pris en main avec une idée : traquer ces élus comme ils le feraient avec les grands voyous. En détention provisoire, le maire qui, au fil du temps, s’est transformé en petit empereur local, se suicide. Provoquant la polémique, mais aussi obligeant ses « amis » et ses « ennemis » à se dévoiler.

    Un roman mené tambour battant qui dévoile la corruption ordinaire tel que chacun pourrait s’y laisser prendre.

    J’ai aimé que cette affaire financière soit élucidée par une brigade de répression du banditisme (la brigade financière en charge du dossier s’étant montrée plutôt laxiste).

    J’ai aimé le personnage du commissaire qui essaye de passer le maximum de temps avec ses enfants, mais qui n’y réussi pas toujours, au grand dam de son épouse.

    J’ai aimé le début du roman, qui laisse entrevoir une fin sombre, et en fait pas du tout (je me suis faite avoir).

    Qui plus est, le commissaire fait la connaissance d’un Grand Voyou qui a du panache, ce qui ne gâche rien. La première affaire financière étant traitée de front avec une autre de vol aux DAB.

    Un bémol tout de même : certaines ellipses m’ont fait perdre le fil un moment. Mais rassurez-vous, ça ne dure pas.

    Pas de temps morts, ou si peu ; des personnages criant de vérité et auxquels on s’attache ; un élu qui prend la grosse tête et que personne ne dégonfle ; un représentant de la loi accusé de collusion avec un témoin et mis en examen.

    Bien évidemment, j’attends maintenant le prochain opus.

    L’image que je retiendrai :

    Celle de la statue qu’affectionne particulièrement Monsieur le Maire et dont il ne cesse de caresser les seins.